PREHISTOMANIA

Article publié dans la Lettre n°590 du 27 mars 2024



 
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PREHISTOMANIA. En 2003 on a recensé 45 millions de peintures et gravures rupestres (sur roche en extérieur) et pariétales (sur les parois des grottes) réparties sur 170 000 sites dans 160 pays. La majorité de ces sites sont quasi inaccessibles car situés dans des régions d'accès difficile, ou bien fermés au public comme Lascaux ou Altamira. C’est justement la découverte en 1879 de cette grotte située au nord de l’Espagne qui a lancé l’étude des peintures et gravures préhistoriques. Pendant plus de vingt ans on a cru à une supercherie. Et puis il a bien fallu se rendre à l’évidence avec la découverte d’autres grottes ornées comme Les Combarelles et Font-de-Gaume en France.
Les préhistoriens, dont la discipline est devenue un champ d’études scientifiques en 1859, s’emparent de ce nouveau sujet. En France c’est l’abbé Henri Breuil  (1877-1961), le « Pape de la préhistoire », qui mène les études. À l’aide de calques, il reproduit sur place les peintures et finalise son travail dans son laboratoire. Pendant ce temps, son confrère allemand Leo Frobenius (1873-1938) s’intéresse à l’Afrique où il est persuadé qu’il trouvera là-aussi des peintures pariétales. Avec l’aide d’hommes et surtout de femmes peintres, photographes et scientifiques, il reproduit des milliers de peintures. L’Institut Frobenius, qui organise la présente exposition avec le Musée de l’Homme, l’un des 12 sites du Museum national d’Histoire naturelle, possède plus de 8000 relevés d’art préhistorique. Plus tard, ce sont les français Henri Lhote (1903-1991) et Gérard Bailloud (1919-2010) qui poursuivirent ces relevés, en particulier en France, au Tchad et en Algérie.
C’est donc à la découverte de ces dessins et aux conditions dans lesquels ils ont été faits que nous convie Préhistomania. Une grande photographie d’Agnes Schultz, pinceau à la main, nous accueille. Il s’agit de la première dessinatrice à avoir travaillé avec Leo Frobenius. Ensuite, dans la pénombre, comme dans une grotte, on découvre d’immenses relevés réalisés en Afrique australe, au Tchad, en Afrique du Nord, en Papouasie occidentale, où l’on a trouvé les plus anciennes peintures (44000 ans avant notre ère) et en Europe. Pour cette dernière, les relevés sont répartis selon leur période, paléolithique (de 40 000 à 10 000 avant notre ère) et néolithique (de 10 000 à 2 500 avant notre ère). La qualité des dessins, comme ceux des bisons d’Altamira ou des girafes de Ouan Abou (Algérie), et la complexité de certaines scènes sont époustouflantes.
Après cette introduction destinée à nous montrer que l’art rupestre est un art mondial, la deuxième partie nous raconte « L’histoire archéologique des relevés » grâce aux documents et matériels transmis par les quatre personnalités mentionnées ci-dessus. Les photographies nous montrent les difficultés de telles expéditions dans des milieux aujourd’hui hostiles comme le désert du Sahara, jadis verdoyant et peuplé de grands animaux sauvages.
L’abbé Breuil et surtout Leo Frobenius ne se contentèrent pas de publications scientifiques. Dès 1930 Frobenius organise des expositions à Paris (1930 et 1933), Amsterdam, Bâle et Zurich (1931), Rome (1933), Vienne (1934), Berlin (1935), Oslo et Bruxelles (1936). Le point d’orgue est l’exposition de 150 relevés au MoMA à New York, présentés comme des œuvres d’art au milieu d’œuvres modernes. Les artistes y trouvent une puissante source d’inspiration. Pour évoquer ces expositions, les commissaires nous montrent quelques-uns de ces relevés, parmi les plus grands, et des œuvres de Paul Klee, Jean Arp, Wilfredo Lam et Jackson Pollock, tous nourris de cet art rupestre.
La dernière partie, « Un patrimoine d’aujourd’hui », nous présente les technologies employées de nos jours par les préhistoriens. Grâce à des moyens perfectionnés comme la photogrammétrie, ils n’ont plus besoin de toucher les parois et obtiennent des images en trois dimensions. L’analyse des relevés et des photographies des pionniers de la préhistoire leur permet même de reconstituer en trois dimensions des sites simplement documentés par des photographies en deux dimensions. Espérons que l’action de la nature ou des humains ne détruira pas ces trésors préhistoriques, sinon il ne nous restera plus que ces relevés réalisés aux prix de difficultés de toutes sortes.  R.P. Musée de l’Homme 16e. Jusqu’au 20 mai 2024. Lien : www.museedelhomme.fr.


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