GEORGES DE LA TOUR
Entre ombre et lumière

Article publié dans la Lettre n°628 du 24 décembre 2025



 
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GEORGES DE LA TOUR. Entre ombre et lumière. C’est la première rétrospective consacrée en France à cet artiste depuis celle du Grand Palais en 1997 (Lettre n°134). Georges de La Tour (1593-1652) connaît la gloire et le succès de son vivant, tant dans le duché indépendant de Lorraine, où il naît, qu’à Paris où il se rend après la destruction de son atelier en 1638, durant la guerre de Trente Ans. Peintre ordinaire du roi Louis XIII, il offre au souverain un tableau nocturne représentant Saint Sébastien (aujourd’hui perdu) qui plaît tant au roi qu’il fait retirer tous les autres tableaux de sa chambre pour ne conserver que celui-ci. Curieusement Georges de La Tour tombe pourtant dans l’oubli après sa mort. Si nous ne connaissons aujourd’hui qu’une quarantaine d’œuvres authentiques, de nombreuses copies attestent de la célébrité de ses tableaux et de son atelier de son vivant. Il faut attendre les années 1910 et le travail de l’historien d’art Hermann Voss pour que l’on redécouvre La Tour.
Ce peintre est surtout connu pour ses clair-obscur mais l’exposition nous montre qu’il était aussi à l’aise dans le caravagisme que dans la peinture traditionnelle. La première salle présente trois de ses œuvres en regard d’une toile de Jean Le Clerc (1586-1633) et d’une de Mathieu Le Nain (1607-1677). D’emblée on peut apprécier comment ces peintres se sont emparés de l’art du Caravage (1571-1610), qui s’est répandu non seulement dans toute l’Italie mais aussi en Europe. Nous ignorons si La Tour se rendit à Rome mais il est certain qu’il connut le caravagisme. Si L'Argent versé (vers 1621 ou 1634) est proche du style de Caravage, Job raillé par sa femme (années 1630) et La Femme à la puce (vers 1632-1635), avec leurs effets de lumière artificielle, transcendent ce style.
La salle suivante, «Le Peintre des infortunés», expose divers personnages ordinaires tels ces Mangeurs de pois (vers 1620), ce Vieil homme et cette Vieille femme (tous deux vers 1618-1619) et ces joueurs de vielle (vers 1620 et vers 1640). Les dates de ces tableaux montrent qu’il n’y eut pas une époque avec des tableaux «diurnes» et une autre avec des tableaux «nocturnes» mais que toutes deux coexistèrent.
Dans la troisième salle sont exposées deux toiles similaires représentant Saint Jérôme pénitent (vers 1630). Elles montrent comment La Tour reprenait un sujet en y faisant de légers changements pour l’adapter à son commanditaire. Ainsi il rajoute un chapeau cardinalice écarlate à la version destinée à Richelieu.
La quatrième section présente cinq bustes de saints dont trois faisaient partie d’un apostolado, c’est-à-dire d’un ensemble de treize peintures, le Christ et les douze apôtres. Conservé dans la cathédrale d’Albi, cet apostolado fut dispersé à la Révolution et l’on ne recense que six toiles authentiques. Les autres sont connues par des copies. Ces peintures ressemblent tout autant à de véritables portraits qu’à des objets de dévotion.
Dans le prolongement de cette salle, nous avons le célèbre Les Larmes de saint Pierre ou Saint Pierre repentant (1645) peint par La Tour. Le saint médite sur sa trahison, éclairé par une lanterne posée sur le sol. La crête d’un coq à côté de lui évoque ironiquement sa tonsure. Les autres toiles de cette salle sont l’œuvre de l’atelier de La Tour et de peintres caravagesques, Trophime Bigot (1579-1650)  et Adam de Coster (vers 1586-1643), ayant fait connaître le maître en Europe avec des sujets religieux.
Dans la petite salle qui constitue la sixième section sont exposées des estampes de Jacques Callot (1592-1635) et de Jacques Bellange (vers 1575-1616) pour évoquer l’univers culturel de La Tour en Lorraine au début du XVIIe siècle. Nous avons aussi un dessin (le seul connu) qui pourrait être de la main de La Tour et une grande toile d’après le même, La Découverte du corps de saint Alexis (vers 1648).
La septième section permet de mieux saisir l’apport de La Tour au caravagisme. C’est manifeste en comparant La Madeleine en extase (vers 1606-1613), d'après Caravage, de Louis Finson (vers 1575-1580 - 1617) et La Madeleine pénitente (vers 1635-1640) de La Tour. La première est uniformément éclairée sur un fond sombre alors que la seconde n’est éclairée que partiellement par la bougie posée derrière le crâne. Les trois autres toiles de La Tour de cette salle montrent que celui-ci a inventé un nouveau genre où les effets lumineux sont l’objet même de son art comme dans le célèbre Nouveau-Né (vers 1647-1648).
La dernière salle présente des œuvres tardives du maître telles les deux grandes toiles que sont Les Joueurs de dés (vers 1640-1652) et Le Reniement de saint Pierre (1650). Dans cette dernière le saint est relégué sur le côté gauche tandis que l’essentiel du tableau est occupé par des soldats jouant là-aussi aux dés. Nous avons également deux petits tableaux, Le Souffleur à la pipe (1646) et son pendant La Fillette au brasero (années 1640) qui célèbrent tous deux une poésie de l’éphémère.
Avec 22 peintures et dessin de la main du maître et 7 toiles d’après ses œuvres, cette exposition nous donne une vue quasi exhaustive de l’œuvre de Georges de La Tour, soulignée par des panneaux et cartels très détaillés. R.P. Musée Jacquemart André 8e. Jusqu’au 22 février 2026. Lien : www.musee-jacquemart-andre.com.


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