ÉTERNEL MUCHA. Né en Moravie, dans l’actuelle République tchèque, Alphonse Mucha (1860-1939) pose sa candidature pour entrer à l’Académie des beaux-arts de Prague en 1875. Celle-ci lui répond : « Choisissez une autre profession où vous serez plus utile. » Après avoir réalisé quelques travaux de décoration de théâtres et de châteaux, seul ou employé par des entreprises spécialisées, tout en suivant des formations en Moravie, à Vienne et à Munich, il arrive à Paris en 1887. Là il poursuit sa formation dans diverses écoles et est embauché par la première grande maison d'édition parisienne, Armand Colin.
La chance lui sourit le 24 décembre 1894. Seul artiste disponible, son imprimeur lui confie la réalisation de l’affiche de Gismonda, la prochaine pièce de Sarah Bernhardt. Mucha relève le défi et dès le matin du 1er janvier 1895, Paris se couvre de grandes affiches qui ont un si vif succès que des amateurs n'hésitent pas à les découper. Sarah Bernhardt l’engage alors pour un contrat de six ans.
Sa carrière est véritablement lancée et on retrouve son style si particulier, avec ses figures féminines élancées et aux longues chevelures flottantes, ses fleurs, végétaux et autres éléments naturels, sa calligraphie résolument originale, dans toutes sortes de créations : affiches, illustrations, publicités en particulier.
Pour l’Exposition universelle de 1900, il est chargé de décorer le pavillon de la Bosnie-Herzégovine. Il s’investit totalement dans ce projet, louant un hangar où il photographie ses modèles, une technique qu’il utilisera constamment, avant de les intégrer dans d’immenses fresques relatant les temps préhistoriques, l’arrivée des Slaves, la coexistence des religions, les légendes.
De 1906 à 1910 il se rend aux États-Unis. Comme portraitiste il ne rencontre pas le succès espéré. En revanche il intéresse le millionnaire américain Charles Crane à un projet qu’il portait depuis l’Exposition universelle. En effet, Crane s'intéressait au nationalisme slave et souhaitait exercer une influence politique dans cette région d'Europe. Mucha retourne alors en Bohème et, pendant dix-huit ans, de 1910 à 1928, il peint vingt immenses tableaux (plusieurs mesurent 810 x 610 cm), dont un triptyque, L’Épopée slave. Ces toiles racontent l'histoire des slaves chronologiquement du IIIe au XIXe siècle, à travers dix événements représentatifs et se termine au XXe siècle par L'Apothéose des Slaves. Mucha y exprime sa vision utopiste du monde, un idéal à la fois nationaliste et humaniste, dont le but ultime est la paix et l’unité des peuples, obtenues par la compréhension mutuelle. Ces toiles sont exposées aujourd’hui dans la ville de Moravský Krumlov (voir le diaporama avec la Lettre n°468).
C’est tout cela que tente de montrer la présente exposition immersive, avec des projections d’images dans une immense salle, des bornes interactives où l’on peut dessiner à la façon de Mucha, des bornes olfactives, etc. Le parcours se termine par une longue galerie où sont représentées des illustrations de l’artiste et de ceux qui depuis sa « redécouverte » en 1963, avec la rétrospective organisée par le Victoria & Albert Museum à Londres, se sont inspirés de son style unique. C’est la partie la plus originale du parcours et la plus intéressante. En effet, en projetant des parties d’une peinture ou d’une illustration, en modifiant les couleurs de certains motifs, les concepteurs nous imposent leur propre vision de l’artiste et leur timing.
Ces projections d’images sont spectaculaires mais ne nous font pas oublier la merveilleuse exposition consacrée à Mucha au musée du Luxembourg en 2018 (Lettre n°468).
Là nous avions tout loisir d’admirer dans une scénographie, elle aussi spectaculaire, quelque 195 œuvres originales de cet artiste et non pas des images projetées ou des reproductions tronquées, évidemment moins coûteuses à présenter. R.P. Grand Palais Immersif 12e. Jusqu’au 5 novembre 2023. Lien : grandpalais.fr.
