GRECO

Article publié dans la Lettre n°492 du 11 décembre 2019



 
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GRECO. Cette rétrospective est la première grande exposition consacrée en France à cet artiste. Dans une scénographie brillante et spectaculaire de Véronique Dolfus, les quelque 75 œuvres en provenance du monde entier réunies ici permettent enfin d’avoir une idée précise de cet artiste que l’on connaît souvent de manière parcellaire à travers une dizaine d’œuvres.
Parmi les grands peintres de la Renaissance, Doménikos Thetokópoulos, dit Greco (1541-1614), est sans doute le plus singulier. Ses personnages à la silhouette allongée ont suscité de nombreuses théories, y compris les plus délirantes. En fait, son style et le fruit d’une formation composite, commencée dans son île natale, la Crète, où il se confronte à l’art byzantin de l’icône, et poursuivie à Venise où il arrive vers 1567. Là il est fasciné par Titien, son modèle, Tintoret, Pâris Bordone et Bassano, tous défenseurs du colorito. En revanche, Michel-Ange, mort trois ans plus tôt, ne trouve pas grâce à ses yeux. On pense que son arrogance face à l’œuvre du grand maître florentin lui aurait valu d’être chassé en 1572 du palais Farnèse où il était hébergé ! À cela s’ajoute une imagination débordante, qu’il met à profit pour proposer de nouvelles solutions figuratives et tout réinventer, les images et le style.
Dernier grand peintre de la Renaissance et premier grand peintre du Siècle d’Or, Greco tombe néanmoins dans l’oubli. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour qu’il soit redécouvert par des écrivains et les Impressionnistes et le début du XXe siècle pour qu’il soit reconnu et adopté par les avant-gardes, faisant de lui un artiste moderne, reliant le Titien aux Fauves, le maniérisme au cubisme !
Le parcours suit un ordre chronologique avec, au début, une peinture sur bois représentant, dans le style des icône, Saint Luc peignant la Vierge (1560-1566) et un peu plus loin, en pendant à celle-ci, une toile peinte une cinquantaine d’années plus tard montrant Saint Luc (1605-1610) en peintre de miniatures. Tout le parcours artistique de Greco est entre ces deux représentations du patron des peintres.
La première section, « De Crète en Italie – 1560-1576 », évoque donc ses débuts en Crète et surtout à Venise où, jeune étranger sans appui, il n’arrive pas à trouver sa place. En 1570, il part tenter sa chance à Rome où, quasi inconnu et ignorant l’art de la fresque, il doit se cantonner dans les petits formats, surtout sur bois, un support qu’il affectionne tout particulièrement. Ce « penser grand, peindre petit » comme l’écrivent les commissaires, ne le gêne pas et il réalise de nombreuses commandes de tableautins de dévotion ou de cabinet. Parmi ceux-ci on remarque La Pietà et La Mise au tombeau du Christ (les deux vers 1570-1575) et surtout son Autel portatif, dit Triptyque de Modène (1567-1569) qui marque un tournant dans son art.
La section suivante est consacrée aux portraits, un art dans lequel il excelle et qui lui permet de rencontrer des personnages brillants, profonds ou puissants, tant à Rome que plus tard à Tolède. Le Portrait d’un sculpteur (vers 1577-1580) ou le Portrait du cardinal Niño de Guevara, (vers 1600) sont particulièrement réussis.
Néanmoins, Greco n’arrive pas à s’imposer à Rome et, apprenant qu’un gigantesque projet, celui de l’Escorial, est en chantier en Espagne, il se rend en 1577 à Madrid avant de s’installer peu après à Tolède, la cité la plus prospère de Castille, où il a le soutien de Diego de Castilla. Celui-ci lui confie deux grandes commandes, l’une pour la cathédrale, Le Partage de la tunique (El Expolio) (vers 1580-1585), l’autre pour le couvent de Santo Domingo el Antiguo (L’Assomption de la Vierge, 1577-1579 ; Adoration des bergers, vers 1579 ; La Sainte Face, 1579-1584). Tous ces tableaux sont présents ici, y compris la monumentale Assomption (403 x 212 cm).
La section suivante aborde, en particulier, les « variations sur le motif ». C’est fascinant de voir comment Greco traite le même sujet au fil du temps. Pour cela les commissaires ont accroché côte à côte, par exemple, L’Agonie du Christ au jardin des Oliviers (vers 1590 ; vers 1600), Saint Pierre et saint Paul (1600-1605 les deux), la Sainte Famille avec ou sans sainte Marie-Madeleine (1580-1585 ; 1600), Sainte Marie-Madeleine pénitente (1576-1577 ; vers 1584) etc.
Plus surprenant est ce rare exemple qui nous soit parvenu de sculpture réalisée par Greco. Il s’agit d’un grand tabernacle en bois polychrome et doré avec, en son centre, Le Christ ressuscité (vers 1595-1598). Tout aussi rares sont les dessins de Greco qui nous sont parvenus. S’agissant de simples préparations à ses peintures, il ne les conservait pas. Seuls sept peuvent lui être attribués avec « un certain degré de certitude ». Quatre sont présents dans cette exposition dont Nu, étude pour le baptême du Christ (1596-1600).
L’exposition se termine avec des tableaux d’atelier, ce qui permettait à Greco de satisfaire ses nombreuses commandes. Deux représentent Le Repas chez Simon tandis que le troisième est le Portrait de Jorge Manuel Theotokópouli, fils de l’artiste (1603). Ce dernier était le garant, à partir de 1603, de l’exécution des tableaux commandés à son père, âgé alors de 62 ans ! On a également, côte à côte, quatre tableaux représentant Le Christ chassant les marchands du Temple peints à différentes époques, de 1570 à 1610, qui montrent la constante recherche d’améliorations de Greco dans la représentation d’un même sujet. Enfin, avec « Derniers feux – 1600-1614), on voit que Greco s’accroche à son style alors qu’ailleurs le baroque triomphe. Mais Tolède est isolée … Une exposition flamboyante, avec des œuvres de tout premier ordre. R.P. Grand Palais 8e. Jusqu’au 10 février 2020. Lien : www.rmn.fr.


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