DEGAS À L'OPÉRA

Article publié dans la Lettre n°488 du 16 octobre 2019



 
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DEGAS A L’OPÉRA. Dans toutes les expositions consacrées à Edgar Degas (1834-1917) nous voyons des représentations de danseuses. Cet artiste était un passionné d’opéra. « Le manque d’opéra est une souffrance véritable » écrivait-il en 1972, après quelques semaines seulement à la Nouvelle-Orléans où il séjournait auprès de sa famille maternelle. Une dizaine d’années plus tard il déclarait : « Vous voulez me décorer, c’est donc que vous voulez me faire plaisir, eh bien ! donnez-moi mes libres entrées à l’Opéra, ma vie durant ». C’est ce qu’il obtient en 1885. Il était donc naturel de faire appel à Degas pour célébrer le 350e anniversaire de ce qui est aujourd’hui l’Opéra national de Paris.
La présente exposition nous explique tout d’abord que Degas ne travaillait pas « sur le vif » mais dans son atelier, avec le filtre du souvenir et son imagination. Cela lui permettait toutes sortes d’expérimentation, tant dans les cadrages (vue plongeante, vue de bas en haut, vue désaxée, etc.), les éclairages, les mouvements, les rapprochements des corps en « belles grappes » que dans les mediums avec l’emploi de la peinture, du pastel, du dessin, de la gravure, de la sculpture, du monotype, etc.
Degas s’intéresse aussi aux maîtres anciens, qu’il copie (Le Calvaire, d’après Andrea Mantegna, 1861) et travaille intensément les gestes et mouvements des sculptures antiques. Ses Petites filles spartiates provoquant des garçons (1860) en est un parfait exemple avec des attitudes que l’on retrouvera dans ses tableaux de danseuses.
Son milieu familial est également propice à son goût pour la musique. Son père, héritier de la banque familiale, tient un salon propageant le goût nouveau pour la musique ancienne, celle de Bach, Rameau et Gluck. Degas réalise de nombreux portraits des invités de ces soirées. On voit ainsi le double portrait de Lorenzo Pagans, ténor espagnol et d’Auguste De Gas, le père de l’artiste ; la célèbre danseuse Eugénie Fiocre dans le ballet La Source et surtout le portrait commandé en 1870 par le bassoniste Désiré Dihau, qui procure à Degas son premier succès.
Après une salle où l’on peut voir l’extraordinaire maquette en coupe de l’opéra Garnier ainsi que des maquettes de décors et des dessins de personnages d’opéras de cette époque, nous voyons ses premières représentations de danseuses, tant sur scène qu’en coulisses, dans des décors plus imaginaires que réels. Même certaines scènes sont imaginées comme l’avouait le peintre : « J’en ai tant fait de ces examens de danse sans les avoir vus, que j’en suis un peu honteux. »
Les mœurs de l’époque sont évoqués dans la section « « Sérieux dans un endroit frivole », les abonnés ». Des familles pauvres faisaient entrer leurs filles à l’opéra non pas tant pour y apprendre la danse que pour se faire entretenir par de riches bourgeois. Certains hommes se conduisaient en véritables prédateurs, fréquentant non seulement la salle mais aussi les coulisses et les loges comme leur qualité « d’abonnés » le leur permettait. Les mères étaient souvent de véritables maquerelles, ce que Degas montre en s’intéressant de la même manière aux maisons closes.
La section « L’Opéra, laboratoire technique », nous montre des exemples de toutes les techniques et formats utilisés par Degas. Cela va de la peinture à la photographie en passant par l’estampe (gravure et lithographie), le pastel et la sculpture. On y voit l’exemplaire en bronze de sa Petite danseuse de 14 ans, seule sculpture qu’il exposa de son vivant et qui révolutionna le genre avec son corps en cire, de vrais cheveux et de vrais vêtements. Le peintre travailla aussi dans des formats inhabituels comme les éventails ou les « tableaux en long » qui s’inspirent de la frise.
Cette exposition nous présente aussi ces « grands dessins synthétiques » faits au fusain et que l’on ne découvrit qu’en 1918, lors des ventes d’atelier après sa mort. Ces œuvres, totalement libérées des conventions, fruits de la mémoire et de la fantaisie de l’artiste, fixant le mouvement plutôt que l’exactitude des traits des danseuses, dérangèrent la critique lors de leur découverte. Aujourd’hui on y voit une extraordinaire modernité. Il en est de même avec ce qu’il désignait à Julie Manet comme des « orgies de couleurs », des dessins au pastel dont certains sont travaillés par strates en utilisant un fixatif entre chaque couche. Parmi tous les sujets qu’il traite ainsi au tournant du siècle, les danseuses, évoluant dans des paysages imaginaires, sont les plus nombreux. C’est avec ces pastels que se termine cette éblouissante exposition, riche de près de 200 pièces, présentées dans une très belle scénographie de Flavio Bonuccelli. R.P. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 19 janvier 2020.  Lien : www.musee-orsay.fr.


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