BOILLY
Chroniques parisiennes

Article publié dans la Lettre n°545 du 13 avril 2022



 
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BOILLY. Chroniques parisiennes. Voici une exposition originale sur un artiste inclassable, autodidacte et virtuose. Louis-Léopold Boilly (1761-1845), originaire du Nord de la France, arrive à Paris en 1785, à l’âge de 24 ans et y reste jusqu’à sa mort, sans cesser de peindre durant ces soixante années de vie parisienne. Contrairement à la plupart de ses confrères,  il ne s’intéresse pas à la grande histoire et aux hommes illustres durant cette période, qui s’écoule entre deux révolutions et plusieurs bouleversements politiques, pourtant propice à de tels sujets. Avec la méticulosité des peintres hollandais, dont il découvre les œuvres dans les collections parisiennes, il observe avec un regard amusé la vie parisienne de tous les jours, à la manière d’un Balzac ou d’un Baudelaire. L’exposition nous présente quelque 130 œuvres dans un parcours en sept sections thématiques.
La première section « Boilly en scène » nous montre quelques facettes de son talent. Nous avons ainsi des autoportraits où il se représente sous différents personnages : muscadin, sans culotte, Jean qui rit en face de son père en Jean qui pleure ; des peintures et des grisailles de sa nombreuse famille - six garçons avec ses deux épouses - et aussi une table dont le dessus est un de ses fameux trompe-l’œil. D’emblée on voit son goût pour la caricature, l’amusement, le portrait, etc.
Vient ensuite la section qui a donné son sous-titre à cette exposition, les « Chroniques parisiennes ». On y découvre toutes sortes de personnages : portefaix, petit commissionnaire, petits savoyards, marchande de fleurs, etc. que l’on retrouve dans des scènes grandioses qui grouillent d’individus bien reconnaissables malgré leurs petites dimensions. Citons la Distribution de vin et de comestibles aux Champs Élysées, à l’occasion de la fête du roi ; Les Coucous sur le quai des Tuileries et surtout L’Arrivée d’une diligence dans la cour des Messageries. Dans ce dernier tableau, Boilly s’est représenté embrassant sa femme qui vient d’arriver à Paris. Il est accompagné de deux peintres amis. Un tableau annexe montre comment il a procédé pour inclure cette scène familiale au milieu de personnages de fiction, le tout dans un ensemble précis, sorte de veduta, reproduisant fidèlement la façade nord de la cour des Messageries. On a aussi des scènes de café et de jeu et même la cour de la prison des femmes et l’intérieur du Panthéon, où les chiens circulent alors librement ! Des cartels très instructifs nous commentent les principaux tableaux. Certains, plus particulièrement destinés aux enfants, passionneront ces derniers. Enfin des images nous invitent à repérer Boilly dans ses tableaux. Celui-ci aime se représenter, avec son air goguenard, quelque part au milieu des autres personnages.
Parmi toutes les scènes de la vie parisienne, le « Spectacle des boulevards » est alors le plus attractif. Boilly habite d’ailleurs dans ces quartiers et nous montre comment les parisiens s’amusaient à son époque. C’est le cas avec cette Scène du carnaval, et surtout L’Entrée du théâtre de l’Ambigu-Comique à une représentation gratis. On apprend ainsi que le théâtre était la distraction préférée des parisiens au XIXe siècle. Dans cette salle, un tableau ambitieux, La Marche incroyable, représente vingt-et-un personnages de tous âges et de toutes catégories sociales défilant en parade au lendemain de la Révolution.
La petite salle qui suit, « Les visages des parisiens » provoque un véritable choc visuel avec plus de soixante tableaux. D’un côté, on a quarante portraits de même format de parisiens et parisiennes. Boilly s’était spécialisé dans ces portraits peints en une séance de pause de deux heures. Il en avait fait 5000 dont 1000 sont encore connus. De l’autre côté, on voit vingt lithographies – Boilly est le premier en France à avoir utilisé cette nouvelle technique – provenant de sa célèbre série des Grimaces, qui en compte presque cent. Dans cette série, il tourne en dérision aussi bien des vices, telle La Luxure, que des professions comme Les Antiquaires.
Avec « Les paris de Boilly » et les « Illusions d’optique » on a des exemples remarquables de son talent en matière de trompe-l’œil, un mot qu’il a inventé. Son Chat gourmand crevant la toile pour manger des harengs ou encore son Christ en sont des exemples remarquables. Dans ce dernier, il ose glisser une carte avec son nom et son adresse. Boilly n’oubliait jamais de faire sa promotion ! C’est encore plus frappant avec son célèbre Un trompe-l’œil, qui représente divers dessins, dont son autoportrait, empilés les uns sur les autres, le tout dans un cadre dont le verre est cassé, avec sa signature en trois endroits différents. Cette œuvre fit sensation au Salon de 1800 tout comme, au Salon de 1798, sa grande composition, Réunion d’artistes dans l’atelier d’Isabey où il réunit, sur un pied d’égalité, trente-et-un artistes, architectes, comédiens et hommes de lettres.
Le parcours s’achève avec « Des boudoirs aux boulevards », deux salles où sont rassemblées, dans l’une des scènes galantes, y compris entre deux femmes, dans l’autre des miniatures, dont les portraits de ses six fils réunis sur un même tableau avec leurs mères respectives, en camées, et un mystérieux La Descente de l'escalier. Une exposition remarquable à tous égards sur un peintre trop peu célébré. R.P. Musée Cognacq-Jay 4e. Jusqu’au 26 juin 2022. Lien : www.museecognacqjay.paris.fr.


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