PROF ! De Jean-Pierre Dopagne. Mise en scène Cédric Garoyan. Avec Éric Fardeau.
Non, ce n’est pas l’enseignant en littérature passionné par son métier qui, à force d’opiniâtreté et d’imagination, parvient à capter l’attention de ses élèves mais un homme désabusé qui chaque matin se lève la boule au ventre et franchit à contrecœur la grille d’un lycée situé dans une zone qualifiée de «sensible». Et il est chaque jour un peu moins prêt à affronter la trentaine de têtes multicolores qui n’agissent que par instinct. Il envie sa femme Martine. Alto dans le chœur de l’orchestre de l’Opéra de Paris, elle part aux répétitions le sourire aux lèvres et la tête pleine de notes de musique. Dans sa classe, l’attendent les regards morts et les cerveaux vides, les corps avachis prêts à l’insulte, voire à l’agression. Nulle émulation dans la salle des profs où tous ont le même credo, celui d’en faire le moins possible. Les emmener au théâtre, quelle idée!
Son père agriculteur lui avait pourtant dit sa fierté de le voir embrasser «le plus beau métier du monde». Que s’est-il passé quand, lui, se souvient des professeurs respectés qui ont jalonné son enfance et pourquoi se traite-t-il de monstre ?
Insulté par ses élèves, pas soutenu par sa hiérarchie, sous payé par l’État, l’homme a perdu son amour du métier et ses illusions, mais le rebelle en lui va se réveiller et commettre l’irréparable.
Sur scène le prof type. Éric Fardeau l’incarne avec une conviction et un talent chevillés au corps. Il arpente le plateau au rythme de son indignation et de son exaspération, prend à témoin de sa révolte un auditoire suspendu à ses lèvres, se jugeant monstrueux sans justifier son geste ultime. Mais qui sont les monstres en fin de compte? Une réflexion coup de poing à partager. M-P P. À La Folie Théâtre 11e.