LE PORTEUR D’HISTOIRE. Texte et mise
en scène Alexis Michalik avec Amaury de Crayencour, Evelyne El Garby
Klai, Magali Genou, Eric Herson-Macarel, Régis Vallée.
Majuscule !
Une histoire est racontée, petit h ou grand H ? Un véritable incunable,
comme aux premiers temps de l’imprimerie, comme aux premières fébrilités
des feuilletons, comme aux premiers émois de la rencontre amoureuse,
ce livre des fidélités où tout commence. Et quand l’Histoire, avec
une majuscule, s’en mêle et tisse et emmêle les fils minuscules,
on trépigne d’impatience. Pas plus qu’Alia, on ne laissera s’escamoter
cet homme porteur d’une mémoire mouvante, fluide et glissante. Qui
est Martin, qui est Henri, et ce père fouineur de légendes ? Mais
serait-ce une légende, une fable, un roman, ou encore une parabole,
un emboitement de récits, un feuilleton à rebondissements multiples
? Adélaïde, Dumas, Delacroix, le trésor enfoui, les Lysistrates,
combien d’autres péripéties qui suspendent l’haleine dans l’humidité
sombre des Ardennes et coupent le souffle au cœur du désert lumineux
d’Algérie… Les carnets sont perdus, la mémoire les ressuscite, la
tapisserie des hommes se brode et s’épanouit dans l’entrelacs de
leurs amours, des croisades et des révolutions, des faux pouvoirs
et des vraies grandeurs. En témoigne le tableau noir fébrilement
rempli et si vite effacé… un peu de craie, des gribouillis, une
éponge. La mise en scène sur un plateau quasi désert contribue à
la jubilatoire confusion des genres, des acteurs, des époques, des
récits. Aucun des cinq acteurs, - virevoltants et… protéiformes,
c’est le mot -, n’autorise le figement des rôles. Seules leurs vêtures
successives et constamment modifiées leur attribuent la posture
de l’instant. Les livres sont virtuels et pourtant si tangibles,
l’avion s’envole, le voilier s’éloigne, la tombe livre ses secrets.
On ne doit jamais cesser d’aimer… les livres, les histoires,
les concocteurs de rêves, les porteurs d’histoire, les amours fidèles,
le savoir source de vie. Si les histoires ne sont que des mots,
du vent, de l’air en vibration, alors le public écoute avec
délectation, s’envole dans un vent de rires et d’émotions, et vibre,
vibre, vibre… A.D. Théâtre 13 13e.