LA MACHINE DE TURING

Article publié dans la Lettre n° 464
du 17 octobre 2018


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LA MACHINE DE TURING de Benoît Solès. Mise en scène Tristan Petitgirard avec Benoît Solès, Amaury de Crayencour.
Des rouages. Oui, Alan Turing est un homme de rouages, d’imbrications, de complexités infinies. Mais ce génie hors de portée a-t-il vraiment le mode d’emploi de la coexistence avec ses congénères ? Toujours en décalage, dans le temps, dans la sexualité, dans les amitiés et les amours. Fasciné par la Blanche-Neige de l’enfant immature qu’il n’a cessé d’être. Alors, il croque la pomme, mais nul prince charmant ne viendra le réveiller de son inaptitude à la vie. Que ce soit par le sergent qui le piste pour démêler les fils d’une vétille, ou encore par l’amant, voyou de rencontre, qui le gruge, Alan est cerné par l’incompréhension, à laquelle il ne peut qu’opposer sa sveltesse de marathonien, son rire compulsif, le bégaiement qui trahit son angoisse. Il est définitivement désaxé en regard de la norme, curieux des étoiles et si avide de tendresse. Le monde alentour s’incarne, grâce à l’inventivité protéiforme d’Amaury de Crayencour, en figures diverses, celle du sergent Ross, de Murray plein de gouaille, de Hugh Alexander homme des échecs condescendant, mais ce monde est unanimement hostile à cet être qui dérange, trop intelligent, trop indéfinissable, trop inclassable. Trop.
Benoît Solès est habité par le personnage d’Alan Turing, dans sa fragilité comme dans son émotion et sa solitude. Et il en offre une figure attendrissante, bouleversante de dignité.
Le récit par Turing lui-même oscille entre affrontements et souvenirs, et la mise en scène anime le paysage de cette histoire de douleur souriante et de mort annoncée par des projections de chiffres, de scènes de l’époque, de portraits de guerre. De rouages évidemment.
« Suis-je une machine ou simplement un homme ? », s’interroge Turing. La question est toujours d’actualité et nous interpelle plus que jamais.
« C’est l’histoire d’un homme qui court ». C’est une pièce qui court et entraîne le spectateur dans son sillage. Une course de fond, de nuit et d’étoiles, de solitude et d’humanité. A.D. Théâtre Michel 8e.


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