BÉRÉNICE de Jean Racine. Mise en scène et scénographie Guy Cassiers. Avec la troupe de la Comédie-Française, Alexandre Pavloff, Clotilde de Bayser, Suliane Brahim, Jérémy Lopez, Pierre-Victor Cabrol.
Antiochus, roi de Comagène, voit l’amour qu’il ressent en secret pour Bérénice, contrarié par l’union imminente de la reine de Palestine avec Titus, son fidèle ami. Avant de partir, il décide de lui avouer son amour, un sentiment que Bérénice considère comme une trahison face à l’amitié qui lie Antiochus et Titus. Mais, l’empereur de Rome vient de mourir et son fils s’apprête à lui succéder. L’amour que le couple se voue mutuellement ne vaincra pas la raison d’état: Rome ne peut accepter une reine étrangère et Titus se soumet: «Mais il ne s’agit plus de vivre, il faut régner». Les trois protagonistes se sépareront à jamais.
Les amours contrariées font de cette tragédie l’une des plus émouvantes de Racine. S’aimer mais se quitter fait sans doute allusion au renoncement de Louis XIV à Marie Mancini, son premier amour, pour raison d’état. Au centre de la scène, une étrange statue, animée par des jeux changeants de lumière, ne laisse pas d’interroger sur sa raison d’être mais montre l’intention du metteur en scène de donner un nouvel éclairage à la pièce. En confiant les rôles de Titus et d’Antiochus à Jérémy Lopez et les rôles d’Arsace et de Paulin à Alexandre Pavloff, Guy Cassiers reconfigure le triangle central de la tragédie afin d’orienter davantage la réflexion sur les notions d’engagement et de responsabilité. Il y réussit parfaitement avec le formidable concours des comédiens. «Eh bien! régnez, cruel, contentez votre gloire». Suliane Brahim est parfaite dans cet ultime adieu qui sonne et tend à affaiblir les célèbres et émouvants alexandrins qui le suivent: «… Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, Seigneur…» M-P P. Comédie-Française - Théâtre du Vieux-Colombier 6e.