LA VEUVE CHAMPAGNE QUI CLÔT LES MAISONS CLOSES

Article publié dans la Lettre n°486 du 25 septembre 2019


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LA VEUVE CHAMPAGNE QUI CLÔT LES MAISONS CLOSES de Dominique Scheer-Hazemann. Mise en scène de l’auteur. Musique Didier Bailly. Avec Yvette Caldas, Milena Marinelli, Stéphanie Mathieu.
Difficile d’échapper au jeu de mots facile, « la Veuve Cliquot », quand on évoque une élégante veuve qui fait le bilan de ses plaisirs sulfureux, de ses séductions, de son goût du luxe et des hommes qui le lui ont procuré, et surtout qui clôt les maisons closes… Dans une maison close justement, plutôt « cosy », deux prostituées guettent sans hâte le client qui se fait rare en ces périodes troublées de l’après-Libération, comme en témoignent les bruits de bottes dans la rue proche. Court-vêtues et rieuses, elles communient avec tendresse dans le regard désabusé et pourtant attendri qu’elles portent sur ces hommes qui les font vivre. Peu question d’amour, mais plutôt de désirs et de caprices masculins, et surtout pour elles de désir de se caser enfin dans un confort presque bourgeois. Marthe Richard a réussi cette mutation, du bordel de sa jeunesse assez équivoque vers la respectabilité dont elle se targue désormais en donneuse de leçons de morale. Les deux faces de sa trouble personnalité sont jouées par deux comédiennes en miroir, tandis que s’érige entre elles la figure sans ambiguïté de Lily en témoin de leurs joutes. En filigrane, la loi qui quelques mois plus tard sonnera le glas de ces lieux de plaisirs. Fermer les maisons closes, certes, mais quel sera le prix à payer pour toutes celles qui se verront ainsi renvoyées à une misère beaucoup plus sordide ? Le débat, qui pourrait être prude et austère dans le rigorisme de la morale brandie, se voit ici allégé, sans en être édulcoré, par les chorégraphies joyeuses et les chansons d’époque qui illustrent une actualité qui n’a pas vraiment pris de rides après plusieurs décennies. Au premier plan, l’éternité peut-être irréductible du désir masculin face à l’asservissement auquel les femmes ne parviennent pas toujours à se soustraire. Les trois comédiennes, avec une émotion sans pathos, donnent vie et chair, joyeusement et tendrement, à une réalité hélas jamais abolie. A.D. Théâtre de la Huchette 5e. Lien :www.theatre-huchette.com.


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