SWEENEY TODD,
le diabolique barbier de Fleet Street

Article publié dans la Lettre n° 326
du 2 mai 2011


SWEENEY TODD, le diabolique barbier de Fleet Street. Musical thriller de Stephen Sondheim. Livret Hugh Wheeler. Direction musicale David Charles Abell. Mise en scène Lee Blakeley avec 9 solistes, l'Ensemble orchestral de Paris (jusqu'au 7 mai) puis l'Orchestre Pasdeloup, et le Chœur du Châtelet.
En 1387 à Paris, un barbier et son voisin, un pâtissier, furent arrêtés suite à une tentative de meurtre. On découvrit alors un terrible trafic, le barbier coupait le cou aux clients de passage, puis fournissait à son voisin de quoi fabriquer des pâtés en croûte renommés dans la ville tout entière ! En 1846, dans une nouvelle, Thomas Peckett Prest relate une histoire semblable, fondée sur des faits plus ou moins avérés qui se seraient passés à Londres au 186 Fleet Street, à la fin du XVIIIe siècle, l'histoire d'un barbier londonien qui, par cruauté, folie et cupidité, tranche la gorge de ses clients et se débarrasse de leurs cadavres avec la complicité de sa maîtresse, Mrs Lovett, qui les farcit en friands à la viande qu'elle vend dans sa boutique.
Cette histoire de meurtre et de cannibalisme a connu un très grand succès avec, notamment, une adaptation théâtrale à Londres en 1847, quatre adaptations cinématographiques (1926, 1928, 1936 et 2007, la version de Tim Burton), deux téléfilms (1998, 2006) et une nouvelle adaptation théâtrale, par Christopher Bond, en 1973. C'est cette version, transposée sous forme de comédie musicale par Stephen Sondheim en 1979, qui est enfin créée à Paris.
Dans cette adaptation, le personnage principal est présenté comme une victime de la société. Condamné à tort par un juge corrompu qui désire sa femme, le barbier Benjamin Barker est exilé en Australie. Il s'évade quinze ans plus tard et, sous le nom de Sweeney Todd (Rod Gilfry en alternance avec Franco Pomponi), retourne à Londres et arrive à Fleet Street où il espère retrouver sa femme Lucy et sa fille Johanna (Deanne Meek). Il se lie d'amitié avec Anthony (Nicholas Garrett), jeune marin avec lequel il a fait le voyage. A son retour, Mrs Lovett (Deanne Meek), qui tient une boutique de tourtes à la viande en dessous de son échoppe de barbier lui apprend que sa femme, violée par le juge Turpin, s'est empoisonnée et que le juge a adopté sa fille qu'il retient prisonnière. Le barbier décide de se venger et promet de tuer son bourreau et le complice de celui-ci, le bailli Bamford.
Le rideau de scène représente un plan de Londres à l'époque des faits, avec la fameuse Fleet street, au nord de la Tamise. Le décor grandiose, sur deux étages, évoque très bien l'ambiance de cette époque. Les costumes sont à l'avenant. La foule entonne la fameuse Ballade de Sweeney Todd, qui vous trotte encore dans la tête en sortant du théâtre. Très vite nous sommes dans l'action. Il y a très peu de dialogues parlés et ce spectacle écrit par Sondheim aussi bien dans le style grand opéra que dans celui de l'opérette ou celui de la comédie musicale américaine, selon les parties, échappe à toute catégorie. Sondheim, 81 ans, qui s'extasie, dans un entretien, sur la taille de la scène du Châtelet, « beaucoup plus grande que n'importe quel théâtre de Broadway » et sur le nombre de musiciens (près de quarante), «A Broadway, de nos jours, on a de la chance si les spectacles sont présentés avec 15 musiciens », définit son œuvre comme « un film pour la scène ».
Cela déroute au début et puis, très rapidement, on est pris par l'action grâce à la remarquable mise en scène, sans temps morts, du britannique Lee Blakeley, un spécialiste de l'opéra. Les chanteurs, pour la plupart habitués du grand répertoire d'opéra, sont excellents mais nous devons tout spécialement mentionner l'américaine Deanne Meek qui joue avec brio une Mrs Lovett enjouée, pragmatique et amoureuse du barbier. La direction d'orchestre de l'américain David Charles Abell devant l'Ensemble orchestral de Paris et le Chœur du Châtelet est impeccable. Un très grand spectacle, drôle et dramatique à la fois, inclassable, inoubliable, à ne pas manquer. TMP Châtelet 1er. R.P. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.chatelet-theatre.com.


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