JEAN-BAPTISTE GREUZE
L’Enfance en lumière

Article publié dans la Lettre n°625 du 12 novembre 2025



 
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JEAN-BAPTISTE GREUZE. L’Enfance en lumière. A l’occasion du 300e anniversaire de sa naissance, le Petit Palais nous présente une magnifique exposition sur un peintre que l’on a un peu oublié, alors qu’il triomphait en son temps et que des reproductions de ses œuvres étaient visibles dans nombre de foyers. Si Greuze (Tournus, 1725 - Paris, 1805) est surtout connu pour ses peintures d’enfants, cette manifestation, malgré son titre, nous livre également d’autres aspects de son art.
Le parcours est composé de sept sections auxquelles les commissaires ont ajouté quatre «Actes» sur le thème de «Greuze intime». C’est ainsi que dans la première section, «Introduction», ils nous montrent que le peintre n’hésitait pas à présenter dans les Salons des portraits de ses proches, tels sa femme, ses filles ou son beau-père.
Dès ses débuts à Paris, en 1750, où il suit son professeur, le peintre lyonnais Charles Grandon, il est salué pour son talent à traduire l’âme humaine et à restituer la diversité des émotions. On le voit dans le portrait de sa femme, au regard pétillant ou celui de ses filles, l’air grave.
Greuze est animé par les préoccupations de son époque en matière d’éducation, d’amour des parents pour leurs enfants et d’allaitement, suivant les idées défendues par Rousseau (Émile ou De l'éducation, 1762) ou par Diderot et d’Alembert dans l’Encyclopédie (1751-1772). C’est ainsi qu’il montre les avantages de l’allaitement maternel, à une époque où la mise en nourrice était une pratique dominante (La Mère qui traye son lait, dit aussi L’Heureuse Mère, vers 1766). De même il décrit les avantages d’une bonne éducation en opposant Le Repos ou Silence ! (1759) à L'Enfant gâté (1772).
La quatrième section, «Histoires de famille. Théâtres intimes» nous présente Greuze  mettant en image les temps symboliques de la vie familiale, qui est aussi le lieu d’apprentissage des valeurs collectives. Si Le Gâteau des rois (1774), La Remise de la dot (vers 1761) ou La Lecture de la Bible (1755) sont des moments plutôt heureux de la famille, en revanche La Lecture du testament (vers 1760-1780) ou La Femme en colère (vers 1785) illustrent des épisodes dramatiques.
Plus loin dans le parcours, avec «La leçon de l’Histoire. Le fils face au père», Greuze invite à méditer le rôle du père dans l’harmonie de la famille, mais aussi sa responsabilité dans ses déséquilibres. Ce sont ses œuvres les plus abouties, loin des portraits d’enfants, exprimant avec force le sublime en peinture à son époque, à savoir le pathos. Si nous n’avons de La Piété filiale (1761; Saint-Pétersbourg) qu’une reproduction en noir et blanc, en revanche nous pouvons admirer l’ambitieux pendant du Fils ingrat et du Fils puni (vers 1777-1778) et surtout Septime Sévère reprochant à son fils Caracalla d’avoir voulu l’assassiner (1767-1769). Alors que Greuze était reconnu comme peintre de genre, c’est ce tableau qu’il présente à l’Académie royale de peinture et de sculpture le 23 août 1769, avec treize ans de retard, afin de se faire reconnaître comme peintre d’histoire. C’est un échec et il n’est admis que dans sa spécialité. Dès lors Greuze n’expose plus au Salon, jusqu’en 1800, après la dissolution de l’Académie à la Révolution.
La dernière section, « Innocence perdue et destins brisés », nous ramène aux enfants et adolescents. Jeune Fille à la colombe (vers 1780) et Jeune fille pleurant son oiseau mort (1765) évoquent des moments gais ou tristes dans la vie de ces enfants. À l’opposé, Les Œufs cassés (1756) et La Cruche cassée (1771-1772) décrivent le trauma d’une jeune fille abusée qui vient de perdre sa virginité. Entre ces deux thématiques le Jeune berger tenant un pissenlit, dit Jeune berger qui tente le sort pour savoir s’il est aimé de sa bergère (1761) et la Jeune bergère effeuillant une marguerite (1759), pour sonder les sentiments de l’être aimé, décrivent avec finesse la naissance de l’amour chez des adolescents.
Au milieu du parcours, une section est consacrée à la gravure. Greuze confiait ses dessins à des graveurs afin de partager avec eux les bénéfices de la vente de leurs gravures. Cette pratique lui aurait rapporté trois cent mille livres. C’est sa femme qui en profita le plus jusqu’à leur séparation en 1785. Ils divorcent en 1793, presque aussitôt que la loi les y autorise. Leurs deux filles, formées à l’art de peinture, restent auprès de leur père, qui meurt dans la misère.
Une exposition très intéressante qui met bien en valeur la centaine de tableaux, dessins et gravures venus des plus grandes institutions mondiales et de collectionneurs privés. R.P. Musée du Petit Palais 8e. Jusqu’au 25 janvier 2026. Lien: www.petitpalais.paris.fr.


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