GIOVANNI BELLINI
Influences croisées

Article publié dans la Lettre n°573 du 28 juin 2023



 
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GIOVANNI BELLINI. Influences croisées. Fils illégitime du peintre Jacopo Bellini (v.1400-1470/1471) et frère de Gentile Bellini (v.1429-1507), Giovanni Bellini (v.1435-1516) grandit à Venise dans l’atelier de son père, lui-même formé auprès de Gentile da Fabriano (1370-1427). Son père travaille dans le style en vogue à l’époque, le Gothique international tout en ayant des livres de modèles provenant de cette peinture plus réaliste qui s’affirme à Florence depuis le milieu des années 1420.
La première salle nous présente deux magnifiques peintures de Jacopo Bellini, La Vierge d’Humilité adorée par un prince de la maison d’Este (vers 1435-1440) et Saint Jean l’Évangéliste (vers 1430-1435), des peintures de Gentile, deux tableaux (vers 1453) peints conjointement par Giovanni et Gentile pour une riche confrérie, et une Vierge à l’Enfant (v.1500) de Giovanni, pour montrer comment il évolua.
En 1453, la sœur de Giovanni épouse le peintre Andrea Mantegna (1431-1506), au style bien affirmé dès ses premières œuvres. Celui-ci, à l’instar du sculpteur florentin Donatello (v.1386-1466) remet au goût du jour la culture antique. Giovanni délaisse alors les leçons de Jacopo pour se tourner vers de nouveaux modèles, puis, suite au départ de Mantegna pour Mantoue en 1460, affirme peu à peu sa personnalité. C’est ce que l’on note avec cette Sainte Justine Borromée (vers 1475) lumineuse et colorée ou ces Vierges à l’Enfant, mises en regard du même sujet par Mantegna et Donatello. Avec la Devotio Moderna qui encourage chez les chrétiens des pratiques de dévotion dans un cadre privé, Giovanni répliquera ses Vierges à l’Enfant afin d’en tirer un meilleur profit.
La troisième salle illustre l’influence sur Giovanni de l’art byzantin, bien connu à Venise, où avaient afflué des milliers de réfugiés après la chute de Constantinople en 1453. C’est ainsi qu’il intègre parfois le fond d’or ou tel geste codifié de l’art byzantin dans ses propres peintures.
Située au centre des circulations commerciales mondiales, Venise est au courant des nouvelles techniques de peinture à l’huile développées en Flandre par Jan van Eyck (1390-1441) et Hans Memling (1430-1494). Giovanni Bellini, fasciné par ces techniques qui permettent de représenter des paysages et des transparences inédites s’empare de ces nouveaux procédés. La mise en regard des panneaux du petit Triptyque de la Vanité terrestre et de la Rédemption céleste  (v. 1485) de Memling avec les cinq Allégories provenant du «Restello de Vicenzo Catena» (v.1490-1495) montre avec force les qualités d’assimilation de Bellini.
La salle suivante est l’une des plus intéressantes pour montrer l’influence d’un peintre sur un autre. Ici il s’agit d’Antonello de Messine (1430-1479) et de Bellini durant le bref séjour à Venise (1475-1746) du premier. Par exemple Bellini reprend à son compte les constructions épurées d’Antonello et les regards de ses figures tournés vers le spectateur. La comparaison du Christ mort soutenu par deux anges (vers 1470-1475) de Giovanni avec le Christ mort soutenu par trois anges (vers 1476) d’Antonello, tout comme les deux Crucifixions (vers 1459 et vers 1475) de Giovanni montrent bien l’enrichissement réciproque des deux artistes, alter ego.
Nous avons vu que la peinture à l’huile permettait de peindre des paysages. Toute une salle est consacrée à ce thème. Les Vierges à l’Enfant, thème qui fait fureur comme on l’a vu, sont maintenant représentées devant des paysages dont certains, reconnaissables, permettent de savoir où Bellini a voyagé. Paradoxalement c’est un élève, Cima de Conegliano (1459-1517) qui pousse le vieux maître à faire des paysages topographiques derrière ses Madones. Il en est de même avec deux autres élèves, Giorgione (v. 1478-1510) et Titien (v. 1488-1576) qui, à l’instar de Léonard de Vinci, délaissent la netteté du dessin pour privilégier la touche et la couleur. Bellini sera toute sa vie un éternel étudiant.
Dans la dernière salle, « Le crépuscule des dieux », on voit quelques-unes des peintures que Bellini réalisa jusqu’à la fin de sa vie, comme ce Dieu le Père, (vers 1505-1510) et surtout cette Dérision de Noé (vers 1513-1515), alors qu’il était âgé de 80 ans. Il meurt en laissant la place à Titien, mais c’est quand même grâce à Giovanni Bellini que la peinture vénitienne au XVIe siècle séduira l'Europe entière pendant des siècles. Avec une cinquantaine de tableaux brillamment présentés par le designer Hubert le Gall, voici une exposition aussi séduisante qu’instructive. R.P. Musée Jacquemart André 8e. Jusqu’au 17 juillet 2023. Lien : www.musee-jacquemart-andre.com.


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