ÉNORMÉMENT BIZARRE. Collection Jean Chatelus. Mort sans héritier en 2021 à l’âge de 82 ans, Jean Chatelus était agrégé d’histoire, spécialiste du 18e siècle et maître de conférences à la Sorbonne. En 1969 il commence à collectionner des pièces d’inspiration surréaliste, puis s’ouvre à l’art corporel. Sans aucune hiérarchie, il mêle ces œuvres à des sculptures extra-occidentales et à des objets issus des traditions populaires. Peu à peu, il s’intéresse à des pièces créées par des artistes travaillant en marge de l’art dominant autour de thèmes liés à la mort et aux pratiques et rituels utilisés pour l’éluder.
Plus que collectionneur, il se disait «accumulateur». Effectivement son appartement parisien était encombré de toutes ces pièces, comme on le voit dans la vidéo faite après sa mort ou dans les reconstitutions de son salon et de son bureau, et il avait été obligé de mettre dans un entrepôt une partie de sa collection. S’il avait été possible de voir certaines de ses œuvres dans des expositions, c’est la première fois que la quasi-totalité d’entre elles, près de 400 – sculptures, installations, peintures, photographies, dessins, objets votifs et vernaculaires - sont présentées. Cela a été possible grâce à la fondation Antoine de Galbert qui a fait don au Centre Pompidou de cette collection dont elle avait héritée. Ce don a permis au musée d’enrichir ses collections avec des œuvres d’artistes n’y figurant pas encore (quelque 80) ou mal représentés. Si la majorité de ces artistes sont de quasi inconnus, d’autres sont régulièrement exposés dans les grands musées. Parmi ceux-ci citons Cindy Sherman, Mike Kelley, Christian Boltanski, Yayoi Kusama, Michel Journiac, Daniel Spoerri, Robert Filliou, Nam June Paik, Joana Vasconcelos, Andres Serrano, Chiharu Shiota et Wim Delvoye qui a donné son titre à cette exposition. En effet, c’est en se rendant dans l’appartement de Jean Chatelus qu’il avait qualifié cette collection «d’énormément bizarre».
La collection est présentée sur un grand plateau sans parcours prédéfini. Après quelques pièces emblématiques comme ce Lit de surveillance IV (2002), que Jean Chatelus avait commandé spécialement à Julia Scher pour qu’il puisse rentrer dans son appartement, ou encore Byzance… de Jonathan Meese, nous longeons la reconstitution de son salon. Les pièces sont entassées les unes à côté des autres le long des murs, sur le sol et même au plafond. On se demande comment il pouvait circuler sans rien abîmer et comment il pouvait faire le ménage! Si l’on y trouve des œuvres d’artistes connus, il y a aussi un grand nombre de masques, de fétiches et d’ex-voto. Vient ensuite la reconstitution de son bureau, tout aussi encombré d’œuvres et d’objets variés.
On peut déambuler ensuite dans des espaces bénéficiant d’une présentation plus muséale. Les œuvres sont bien séparées les unes des autres et on peut les contempler à loisir. Parmi celles-ci on remarque une «Châsse de Sainte Philomène» (vers 1860) avec un mannequin en cire; Frères (Une Prière de fin d'automne) de Yasumasa Morimura (1991) qui s’inspire de L’Angélus de Millet; Merde au complexe militaro-industriel américain:… de Justin Lieberman (2011); Réservoirs de Richard Jackson (2005); Bétonnière (Lissabon) de Wim Delvoye (1993); Confessionnal de Li Wei (2013) rempli d’objet de toutes sortes; Les trois petits ours … de Rina Banerjee (2007); Jour d'expiation de Ouyang Chun (2017), sorte de barque sur roues réalisées avec des objets trouvés, et aussi cette Loge de théâtre de Guillaume Bijl (1987) d’une étonnante réalité. Certains objets interpellent. Parmi ceux-ci, il y a des animaux naturalisés comme cette Priscilla (un porc) de Wim Delvoye (1994-1998) et surtout cette momie du Pérou et ce squelette de fœtus.
Une exposition en tout point étonnante, brillamment présentée, témoignage des obsessions de son collectionneur. R.P. Centre Pompidou 4e. Jusqu’au 30 juin 2025). Lien : www.centrepompidou.fr.