L’EMPIRE DU SOMMEIL. Rembrandt, Ingres, Delacroix, Füssli, Courbet, Rodin, Monet, Munch, Picasso… Paradoxalement, c’est sans doute la première exposition consacrée à ce sujet, alors que le sommeil occupe plus ou moins un tiers de notre vie. De tout temps les artistes et les philosophes se sont intéressés au sommeil et aux rêves qu’il engendre. Les quelque 130 œuvres que nous présentent les commissaires sont là pour nous rappeler toute l’importance de ce thème depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours.
Le parcours en sept sections nous emmène du «Doux sommeil» jusque «Au lit !» en passant par les «Figures du sommeil», «Hypnos et Thanatos», «Le sommeil érotique», «Les portes du rêve» et «Le sommeil troublé».
Le «Doux sommeil» est illustré par des vues de personnages faisant la sieste (Ancher, La Sieste, 1890), simplement endormis (Petrini, Le Sommeil de saint Pierre (?), vers 1740), sombrant dans l’ennui (Millais, Mon deuxième sermon, 1864) ou encore tombant d’épuisement (Pelez, Un martyr. Le Marchand de violettes, 1885). Toutes ces œuvres montrent le plaisir que l’on éprouve quand on dort et que l’on oublie tout.
Le sommeil est un thème récurrent dans la Bible. On en trouve des exemples avec la création d’Ève tandis qu’Adam est endormi (Watts, La Création d'Ève, 1881-1882); l’ivresse de Noé (Bellini, L'Ivresse de Noé, vers 1515); l’Enfant Jésus endormi (Randa , Jésus endormi, 1640); Jean dormant sur le giron du Christ lors de la Dernière Cène (Saint Jean endormi, 1500-1515) et aussi avec la dormition de la Vierge, qui s’est endormie en Dieu (La Dormition de la Vierge, seconde moitié du XVe siècle).
Dans la mythologie grecque, Nyx (la Nuit) engendre Hypnos (le sommeil) et Thanatos (la mort). Ce mythe a sans doute été inspiré par la similitude entre les deux états. Des artistes tels Léon Cogniet (Tête de jeune fille morte, vers 1845) ou Aimé-Jules Dalou (Masque mortuaire de Victor Hugo, 1885) ont ainsi représenté des cadavres.
Le thème du sommeil est aussi la source d’inspiration de nombreux tableaux utilisant ce subterfuge pour nous présenter des personnages dénudés et endormis que l’on découvre. Le sujet le plus représenté est celui de Séléné, la Lune, amoureuse du bel Endymion (Watts, Endymion, 1903 – 1904; Girodet, Le Sommeil d'Endymion, 1808). À l’inverse, nous avons Jupiter dévoilant Antiope dont on voit des illustrations avec Ingres, Manet et Picasso, toutes prétextes à montrer des nus féminins.
Le sommeil nous ouvre aussi «les portes du rêve». Aux temps homériques, le rêve était prémonitoire. Au XIXe siècle, le rêve éclaire plutôt le passé comme le montrera Freud avec son Interprétation des rêves (1899). Dürer (Le Songe du docteur, entre 1498 et 1499), Ingres (Le Songe d'Ossian, vers 1800) et Füssli (Lycidas, 1796-1799) représentent des rêves, voire des cauchemars (Boilly, Le Songe de Tartini, 1824). Le rêve est alors un thème fondamental chez les symbolistes tels Odilon Redon (Les Yeux clos, 1890), Kubin (Chaque nuit, un rêve nous rend visite, vers 1902-1903), Max Klinger (Un gant, Opus VI, 1881) pour représenter la vie intérieure.
Mais le sommeil n’est pas toujours aussi tranquille qu’on le voudrait. Il est troublé par les cauchemars (Ditlev Blunck, Le Cauchemar, 1846; Füssli, L’Incube s’envolant, laissant deux jeunes femmes, 1780), les crises de somnambulisme (Pirner, La Somnambule, 1878), voire la folie. De nos jours, une multitude de facteurs (rythmes de travail, bruits, lumière, écrans, excitants, etc.) s’opposent à l’endormissement. Certains utilisent alors des drogues pour y faire face. Des toiles saisissantes s’en font l’écho telle Les Fumeuses d'opium (Previati, 1887).
La dernière section est consacrée au lit, un meuble mis à l’honneur chez les Romains. C’est dans un lit que l’on dort le mieux, mais c’est aussi le lieu de l’amour, de la maladie et parfois encore de la mort quand ce n’est pas dans un lit d’hôpital. Une dizaine de tableaux illustrent ce thème. Une exposition originale, bien documentée, avec de nombreuses œuvres d’époques et d’auteurs divers. R.P. Musée Marmottan Monet 16e. Jusqu’au 1er mars 2026. Lien : www.marmottan.fr.