Parcours en images de l'exposition

DANS L’APPARTEMENT DE LÉONCE ROSENBERG
De Chirico, Ernst, Léger, Picabia ...

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°591 du 10 avril 2024




Titre de l'exposition
 
Souhaitant créer une expérience esthétique harmonique, Léonce Rosenberg lance une vaste commande artistique pour son appartement du 75, rue de Longchamp, exécutée en quinze mois seulement, entre 1928 et 1929. Une douzaine d'artistes sont invités à produire pour chaque pièce des œuvres en dialogue avec une sélection de meubles anciens et contemporains.
Jalon méconnu de l'histoire de l'art dans l'entre-deux-guerres, cette œuvre d'art totale représente une proposition originale et moderne des arts décoratifs, et surtout révèle la création géniale des grands cycles des Gladiateurs de Giorgio de Chirico et des Transparences de Francis Picabia. Convergent alors, à l'orée des années 1930, des visions tout à fait singulières, distanciées et discrètement ironiques sur l'antique et la mythologie, convoqués comme des références vides et théâtrales, à l'instar des figures de la commedia dell'arte de Gino Severini ou des îles aux jouets oniriques d'Alberto Savinio. Entre les murs de l'appartement se déploient également les compositions abstraites géométriques de Fernand Léger et d’Auguste Herbin, ainsi que les fantasmagories de Max Ernst.
La crise financière de 1929-1930 précipite la ruine de Léonce Rosenberg et son déménagement. Ce décor exceptionnel se trouve alors à jamais dispersé.
Affiche de l'exposition
 
Texte du panneau didactique


1 - L'Appartement du 75 rue de Longchamp

Scénographie
 


Composé de onze pièces réparties sur près de 360m2, l’appartement est situé au troisième étage d’un immeuble moderne construit au 75 rue de Longchamp, dans le XVIe arrondissement de Paris. Léonce Rosenberg y emménage au printemps 1928 pour y loger sa femme Marguerite et ses trois filles, Jacqueline, Lucienne, et Madeleine. Le plan présente une distribution en deux parties séparant les pièces intimes d’une part (chambres, boudoir, sanitaires) des pièces de réceptions d’autre part (salle à manger, hall de réception, grand salon) selon un axe central. Rosenberg initie la commande du décor dès le mois de mai 1928 et retient d’emblée le principe d’attribuer une pièce par artiste en associant aux toiles peintes, un choix de mobilier ancien et contemporain.
Plan de l'appartement de Léonce Rosenberg.
 
Texte du panneau didactique
 
Un artiste et son marchand: Picasso et Rosenberg. Au cours de la Première Guerre mondiale, Rosenberg s'impose comme le promoteur de l'avant-garde cubiste, profitant du vide laissé par l'exil forcé du marchand allemand Daniel-Henry Kahnweiler. Il achète en novembre 1915 Arlequin, toile majeure de Picasso, afin de renforcer sa relation avec l'artiste. Attentif à ses liens commerciaux, Picasso réalise à la même époque un portrait au crayon de Rosenberg posant devant Arlequin. Ce dessin et les œuvres présentées dans cette salle mettent en lumière la coexistence chez Picasso d’un cubisme synthétique proche de l’abstraction et d'une figuration à «la ligne claire» inscrite dans un certain classicisme. Enracinés dans la pratique artistique picassienne, ce mélange de styles et le regard décomplexé porté à la tradition artistique livrent un élément décisif pour la compréhension du décor de la rue de Longchamp.
Pablo Picasso (1881-1973). Portrait de Léonce Rosenberg en uniforme, 1915. Crayon sur papier. Collection particulière.
 
Texte du panneau didactique
 
Pablo Picasso (1881-1973). Corrida, fin 1923 - début 1924. Huile et crayon sur bois. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Verre et pipe, 1918. Huile et sable sur toile. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Le Retour du Baptême, d'après Le Nain, automne 1917. Huile sur toile. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Homme à la pipe, printemps 1914. Huile et textile imprimé collé sur toile. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Les Trois baigneuses, III, 1923. Eau-forte sur zinc, épreuve tirée par l'artiste. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Polichinelle et Arlequin, 29 août 1920. Gouache et encre sur feuille de papier, pliée en deux. Musée national Picasso-Paris. Dation Pablo Picasso, 1979.


2 - Un classicisme insolent

Scénographie


Conçu par l’artiste italien Giorgio de Chirico pour le hall de réception, l’impressionnant cycle des «Gladiateurs» comprenait à l’origine un ensemble de onze toiles réalisées entre 1928 et 1929. Ces œuvres monumentales couvrent les murs de la pièce à la manière de tapisseries. Chirico mise sur l’effet de puissance qui se dégage de ces variations autour du nu guerrier. En apparence, il renvoie à une grandeur antique et virile prônée à la même époque par le régime fasciste. Pourtant, les corps déchus, amollis et efféminés de ces gladiateurs prennent ici le contrepied d’une représentation glorieuse et académique du nu masculin. Les œuvres de Gino Severini, initialement prévues pour la chambre de Jacqueline, cultivent cette même veine parodique : ruines antiques et personnages de la commedia dell’arte composent des scènes qui semblent tourner à vide. Ce mélange des genres fait écho au choix d’un mobilier d’époques différentes. Par cette juxtaposition de styles, ces œuvres livrent un classicisme de façade et préfigurent une approche post-moderne de l’art caractérisée par la citation et le détournement.
 
Texte du panneau didactique.
 
Gino Severini (1883-1966). L'Équilibriste, 1928-1929. Huile sur toile. Collezione Banca Monte dei Paschi di Siena S.p.A., Sienne. © Adagp, Paris, 2024.

Dans cette toile aux couleurs mélancoliques, Polichinelles et acrobates semblent avoir été parachutés sur un site archéologique pour assister à un numéro d'équilibriste. Empreinte de dérision, cette scène parodique est une recomposition de motifs puisés dans des œuvres d'époques différentes. Copiées par Severini lors de ses visites à Tivoli, à Frascati ou à Rome, les ruines antiques côtoient des personnages de la commedia dell'arte chers aux peintres du XVIIIe siècle, comme Giambattista Tiepolo, tandis que les figures circassiennes sont une citation directe de Pablo Picasso (L'Acrobate à la boule, 1905, musée Pouchkine, Moscou).
Scénographie
Giorgio de Chirico (1888 - 1978). Course de Quadriges, 1928. Huile sur toile. Pinacoteca di Brera, Milan.
Giorgio de Chirico (1888-1978). Le Combat, 1928. Huile sur toile. Casa Museo Boschi Di Stefano. Milan. © Adagp, Paris, 2024.

Le Combat occupait la partie centrale du décor du hall de réception constitué de onze toiles dédiées au thème des gladiateurs. Ce sujet, développé dès 1927 en amont de la commande de Léonce Rosenberg, est ici traité avec ampleur et expressivité en une série inédite. Dans un espace clos qui fait écho à celui de l'appartement du commanditaire, d'improbables soldats antiques et leurs chevaux se livrent à un corps-à-corps tenant plus du mime que du massacre. De Chirico reprend ici les codes de la peinture d'histoire que sont le grand format et la scène de guerre pour les détourner avec ironie.
 
« L'Intelligence de deux époques » dans Vogue, octobre 1929. Papier imprimé. Les Publications Condé Nast.
 
Panneau pour le jeune public
Scénographie
 
Gino Severini (1883 - 1966). La Leçon de musique, 1928-1929. Huile sur toile. Collezione VAF-Stiftung, Mart, Museo di arte moderna e contemporanea di Trento e Rovereto.
 
Gino Severini (1883 - 1966). Le Démon du jeu, 1928. Huile sur toile. Pinacoteca di Brera, Milan.


3 - Survivances du cubisme

Scénographie

Convaincu que le cubisme demeure après-guerre l’expression la plus moderne de l’art de son temps, Léonce Rosenberg tente d’en faire une marque de fabrique et s’implique dans la promotion d’artistes dont il se voit le chef de file. Le décor de sa salle à manger témoigne de cette implication, y compris dans le champ des arts appliqués. Il fait appel au peintre Georges Valmier, au sculpteur hongrois Joseph Csaky et au designer René Herbst qui créent un ensemble s’adaptant parfaitement à l’intérieur cossu du collectionneur. Les abstractions d’Auguste Herbin envisagées pour le fumoir et les harmonies colorées d’Albert Gleizes pour la chambre de Jacqueline s’inscrivent dans ce style tardif affranchi des canons du cubisme d’avant-guerre. La décomposition du sujet, les couleurs en demi-teintes, la ligne brisée ont été abandonnés au profit d’un langage visuel géométrique et abstrait, sensuel et coloré, qui annonce l’émergence du groupe Abstraction – Création au début des années 1930.


 
Texte du panneau didactique.
 
Albert Gleizes (1881-1953). Composition, 1930-1931. Huile sur toile. Musée d'Art Moderne de Paris. Donation de Henry-Thomas, 1976.

Invité en mars 1929 à participer à la décoration de l'appartement en remplacement du cycle de Gino Severini prévu pour la chambre de Jacqueline, Albert Gleizes peint cette Composition abstraite en favorisant l'usage des couleurs pures. Leur juxtaposition et leur intersection en plans géométriques génèrent des vibrations dynamiques que l'artiste avait théorisées dans son essai La Peinture et ses lois (1923). «C'est la réalisation de ce que je cherche depuis quinze ans», confia-t-il à Léonce Rosenberg.
 
Auguste Herbin (1882 - 1960). Composition, 1928. Huile sur bois. Collection particulière.

Après une période dédiée à une peinture figurative entre 1921 et 1926, Auguste Herbin renoue avec l'abstraction, à l'image de cette Composition prévue pour le décor du fumoir de l'appartement. De larges aplats de couleurs vives composent le fond de la toile sur lesquels une ligne courbe vient sculpter des formes organiques qui évoquent des volutes de fumée.
 
Auguste Herbin (1882-1960). Composition, 1930. Huile sur toile. Collection particulière, Suisse.
 
Georges Pillement, Georges Valmier, peintre et décorateur dans Art et Décoration, N°34, septembre 1930, page 91-96, 1930. Papier imprimé. Bibliothèque Kandinsky. Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle.
 
Panneau pour le jeune public
Scénographie
 
Georges Valmier (1885 - 1937). Ève, 1930. Huile sur toile. Collection particulière, Californie.
 
Georges Valmier (1885-1937). Le Marin, 1929. Huile sur toile. Musée d’Art Moderne de Paris. Achat en vente publique, 1981.

Dialoguant parfaitement avec le mobilier moderne de René Herbst, Le Marin faisait partie du cycle peint commandé à Georges Valmier pour la salle à manger. Cette œuvre abstraite déploie une juxtaposition de formes ondulées aux couleurs franches. Le thème du marin transparaît sous les contours à peine discernables d’une voile triangulaire placée au centre de l'œuvre. La précision quasi technique du trait rappelle l'expérience de Valmier dans le domaine des arts appliqués.
 
Georges Valmier (1885 - 1937). Le Temps, 1929. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Georges Valmier (1885 - 1937). Nature morte, 1929.  Huile sur toile. Musée d'Art et d'Histoire Pissarro - Pontoise.
 
Joseph Csaky (1888-1971). Femme au panier dite aussi Femme au bras levé, 1928. Pierre blanche, taille directe. Collection Galerie Marcilhac, Paris.

D'allure monumentale, cette Femme au panier reflète la nouvelle voie empruntée par Joseph Csaky autour de 1927. L'artiste hongrois, qui compte parmi les pionniers de la sculpture cubiste soutenue par Léonce Rosenberg, abandonne à cette date une représentation décomposée du sujet en faveur d'une figuration plus intelligible. Le choix d’une iconographie gracieuse transposée en volumes massifs confirme ce tournant vers l'expression d’une sensualité moderne en lien avec l'avènement du style Art déco.
 
Joseph Csaky (1888 - 1971). Femme à l'architecture dite aussi L'Architecture, 1926. Pierre blanche, taille directe. Collection Galerie Marcilhac, Paris..


4 - En marge du surréalisme

Scénographie

L‘alternance d’œuvres figuratives et abstraites au sein de l’appartement illustre le souhait de Rosenberg de créer une synthèse cohérente par la cohabitation de styles différents. L’implication d’artistes moins connus du grand public sur le chantier du décor tels que le sculpteur arménien Yervand Kotchar ou le peintre équatorien Manuel Rendón Seminario révèle par ailleurs une conception cosmopolite de l’art contemporain. En marge du développement du Surréalisme, mouvement fondé en 1924 par André Breton, ces œuvres «inclassables» frappent par leur vitalité chromatique et la curiosité visuelle qu’elles constituent. Présentées ensemble, elles témoignent des goûts du commanditaire pour une figuration aux limites du kitsch.

 
Texte du panneau didactique.
 
Jean Metzinger (1883-1956). Le Sphinx, 1928. Huile sur toile. Collection Oscar Ghez, Petit Palais, Genève.

Associé à un cubisme dit «de salon», Jean Metzinger intègre la galerie de Léonce Rosenberg dès sa formation en 1918. Le Sphinx est une version des évolutions du cubisme dans les années 1920 marqué par un retour à la figuration. Conçue pour le grand salon de l'appartement, l’œuvre se situe à mi-chemin entre l’allégorie, genre classique par excellence, et la nature morte, genre prisé de la peinture cubiste. En transposant des volumes sculptés en peinture, Metzinger revisite ce sujet mythologique dans un style géométrique et l'intègre à un décor fragmenté aux couleurs primaires.
Jean Viollier (1896-1985). Le Jugement dernier, 1928. Huile sur toile. Collection Oscar Ghez, Petit Palais, Genève.

Jean Viollier est un peintre suisse installé à Paris, proche du surréalisme, qui rejoint la galerie de Léonce Rosenberg en 1924. Panneau central d’un triptyque composé d'une Montée au paradis à gauche et d'une Descente aux enfers à droite, Le Jugement dernier mêle une iconographie qui évoque la fin des temps à des éléments de modernité. Le Christ apparaît entouré d’apôtres et de chimères, et côtoie des hommes nus ou en costume avec des éléments de machinerie industrielle. Cette incongruité est renforcée par de petits effets de surprise au caractère burlesque, à l’image de ce personnage accroché à une échelle métallique. Les teintes acides et contrastées utilisées par Viollier accentuent par ailleurs l'aspect baroque des scènes.
 
Jean Viollier (1896 - 1985). La Barque du Paradis, 1929. Huile sur toile. Collection Oscar Ghez - Petit Palais, Genève.
 
Jean Viollier (1896 - 1985). L'Enfer, 1929. Huile sur toile. Collection Oscar Ghez - Petit Palais, Genève.
 
Manuel Rendón Seminario (1894-1982). Nus dans un paysage, 1929. Huile sur toile. Collection privée.

Artiste d'origine équatorienne, Manuel Rendón réalise pour la chambre de Léonce Rosenberg un cycle décrit par la critique comme un ensemble «d'harmonies chaleureuses». Ces Nus dans un paysage évoquent l'humanité originelle d'Adam et Ève qui se dressent dans un paysage arcadien. Sensible aux goûts de Rosenberg en quête d’une alliance entre tradition et modernité, Rendón propose la relecture d’un thème classique de l'histoire de l'art à partir de volumes géométriques simplifiés.
 
Manuel Rendón Seminario (1894-1982). Nus dans un paysage, 1929. Huile sur toile. Collection privée.
 
Ervand Kotchar (1899-1979). Peinture dans l'espace, 1934. Fer et nickel peint, métal chromé, cuivre sablé.
Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle.

L'artiste arménien Ervand Kotchar découvre le cubisme de Pablo Picasso à Moscou dans la collection Chtchoukine avant de gagner Paris en 1923. Soutenu par Léonce Rosenberg, il participe au décor du vestibule de l'appartement avec l'une de ses Peinture dans l’espace comparable à celle de 1934. Ces sculpto-peintures puissamment colorées en métal ou en bois aux contours sinueux ont été travaillées pour retranscrire un effet de mouvement. Cette attention portée au temps, quatrième dimension nécessaire à l'évocation du mouvement, donnera naissance en 1936 à un mouvement artistique qualifié de «Dimensionnisme».


5 - Évanescences

Scénographie

Les ensembles décoratifs créés pour les chambres de Madame Rosenberg et de ses filles sont propices à la rêverie et à l’introspection. Le cycle des «Transparences» réalisé pour la chambre de Madame Rosenberg par Francis Picabia, restitué ici de manière inédite, illustre cette fonction enveloppante du décor et le goût de l’époque pour l’ésotérisme. Sa beauté fugace et évanescente fait écho aux fascinantes «Cités Transparentes» d’Alberto Savinio. Tels des jeux de construction branlants, le cycle évoque de lointaines Jérusalem célestes ou ces «paysages de l'air», visions hallucinées, évoquées dans un roman d’Anatole France. Avec les Fleurs de coquillages de Max Ernst, et la toile cosmique d’Ozenfant, ces œuvres témoignent d’une recherche plastique sur les effets de transparence où la superposition de couches picturales laisse deviner un monde dissimulé.

 
Texte du panneau didactique.
 
Francis Picabia (1879-1953). Pavonia 1929. Huile sur toile. Collection particulière. © Adagp, Paris, 2024.
Scénographie
 
Francis Picabia (1879 - 1953). Apollo, 1929. Huile sur contreplaqué. Collection particulière.
 
Francis Picabia (1879 - 1953). Myrtil, 1929. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Francis Picabia (1879 - 1953). Rubi, 1928-1929. Huile sur contreplaqué. Collection Nahmad.
 
Francis Picabia (1879-1965). Salicis, 1929. Huile sur bois. Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle. Legs de Mme Lucienne Rosenberg, 1995.

Avec Pavonia et Rubi, Salicis composait un triptyque conçu pour la chambre à coucher de Mme Rosenberg (voir ci-dessous). Par des jeux d'échelle, Francis Picabia met en valeur les qualités décoratives de motifs issus d’un répertoire classique et les fait évoluer vers le registre de l'étrange. La figure inférieure provient d'une peinture murale pompéienne représentant Danaé, tandis que l'arabesque flottant à droite, reprise dans Pavonia, est extraite du frontispice d'une publication. La dimension encyclopédique de ce collage de silhouettes préexistantes s'accorde avec le titre savant de l'œuvre tiré d'un ouvrage scientifique sur les papillons: Atlas de poche des papillons de France, Suisse et Belgique (1912).
Appartement de Léonce Rosenberg. Photo de la chambre de Madame Rosenberg avec des tableaux de Francis Picabia. © Adagp, Paris, 2024.
Scénographie
 
Max Ernst (1891-1976). Fleurs de coquillages, 1929. Huile sur toile. Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle. Attribution par l'Office des Biens et Intérêts Privés, 1950. MNR: Œuvre récupérée en Allemagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Fusion du floral, du minéral et du marin, les Fleurs de coquillages sont la représentation de composants biologiques hybrides. Ce sujet est exploré dès 1925 par l'artiste surréaliste Max Ernst dans son Histoire naturelle, un recueil de dessins frottés. Ici, Ernst transpose la technique du frottage à la peinture à l'huile en superposant différentes couches de couleurs avant de les gratter pour laisser apparaître une matière irisée. Ces effets de transparence semblent faire éclore des fleurs imaginaires en un phénomène naturel spontané.
 
Max Ernst (1891 -1976). Fleurs de Neige, 1929. Huile sur toile. Collection Beyeler, Fondation Beyeler, Riehen/Bâle.
 
Amédée Ozenfant (1886-1966). Universel, 1928. Huile sur toile. Musée de Grenoble. Don Pierre Larock, 1993.

Très comparable au Monde entier, œuvre présentée à l'origine dans la chambre de Léonce Rosenberg, cette toile représente un paysage cosmique probablement inspiré par une photographie scientifique du système solaire. Ce sujet futuriste évoque l'intérêt de l'artiste pour l'astronomie et les sciences exactes. L'absence d'un point de fuite unique renvoie à la profondeur insondable de l'univers et renforce son aspect onirique.
 
Panneau pour le jeune public
 
Alberto Savinio (1891-1952). L'Île des charmes, 1928. Huile sur toile. Museo d'Arte Moderna Mario Rimoldi delle Regole d'Ampezzo. Cortina d'Ampezzo.

L'Île des charmes fait partie des «Cités transparentes» réalisées pour la chambre de Lucienne. Savinio explique que cette série lui a été inspirée par une phrase lue dans La Rôtisserie de la reine Pédauque d'Anatole France, où M. d'Astarac, alchimiste, affirme que l’on peut voir des «paysages de l'air» au-delà des choses. La signification profonde de ces villes ne peut être lue que par un œil averti qui, à travers la transparence, peut percevoir des réalités nouvelles.
 
Alberto Savinio (1891 - 1952). Le Gîte des promesses dit aussi La Cité des promesses, 1928. Huile sur toile. Pinacoteca di Brera, Milan.


6 - La fabrique du décor

Fernand Léger (1881-1955). Les Quatre Saisons. Le Printemps, L'Été, L'Automne, L'Hiver, 1928. Huiles sur toile.
Kunstmuseum Basel, Bâle. Don de Raoul La Roche, 1956.
Prévu pour l'entrée de l'appartement, le remarquable cycle des Quatre Saisons s'inscrit dans une poétique du quotidien à laquelle Fernand Léger s'intéresse au tournant des années 1920. Dans ces compositions, des objets flottent sur des fonds abstraits. Conscient de la valeur décorative de ces œuvres, Léonce Rosenberg commande au peintre un ensemble dédié aux saisons, allant jusqu'à suggérer la présence de certains détails, tels que, «pour l'automne, une grappe de raisins et une feuille jaunie par le soleil, une barbe de blé pour l'été, skis et patins à glace ou à roulettes pour l'hiver et pour le printemps, une hirondelle et une branche de feuilles vertes».
 
Texte du panneau didactique.
 
Albert Gleizes (1881 - 1953). Peinture, 1930-1931. Huile sur toile. Centre Pompidou, Paris. Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle. Legs de Mme Lucienne Rosenberg, 1995.
 
Fernand Léger (1881-1955). Les Quatre Saisons. Le Printemps, 1928.
 
Fernand Léger (1881-1955). Les Quatre Saisons. L'Été, 1928.
 
Fernand Léger (1881-1955). Les Quatre Saisons. L'Automne, 1928.
 
Fernand Léger (1881-1955). Les Quatre Saisons. L'Hiver, 1928.
 
Panneau pour le jeune public
 
«Cubisme et tradition chez M. Léonce Rosenberg à Paris.» Dans Art et Industrie, décembre 1930. Pages 14-18. Bibliothèque de l’Institut national de l’histoire de l’art, Paris.
 
Appartement de Léonce Rosenberg. Photo du boudoir de Mme Rosenberg avec des tableaux de Jean Viollier.
 
Appartement de Léonce Rosenberg. Photo du Grand Salon de l’appartement avec des tableaux de Jean Metzinger.