Parcours en images de l'exposition

BERTHE MORISOT ET L’ART DU XVIIIe SIÈCLE
Watteau, Boucher, Fragonard, Perronneau

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°585 du 10 janvier 2024




Scénographie
 

Première femme du groupe des Impressionnistes, Berthe Morisot (1841-1895) participe assidument à sept de leurs huit expositions et s'impose comme l'un de ses membres les plus actifs.
Refusant d'appliquer méthodes et formules et donc de faire école, les Impressionnistes constituent un groupe au sein duquel chacun offre une réponse personnelle à des  préoccupations communes. Cette exposition, en explorant les liens qui unissent l'art de Berthe Morisot à celui du XVIIIe siècle, propose de mettre en évidence l'une des singularités de son œuvre.
Le parcours construit à l'appui de recherches inédites, met l'accent sur certains aspects méconnus de la vie de l'artiste. Il apparaît ainsi que Berthe Morisot évolue dès son plus jeune âge au sein d'une société dont le cadre de vie célèbre l'art du XVIIIe siècle au quotidien. Dans les années 1860 à 1880, elle découvre les Watteau, Boucher, Fragonard, Perronneau… dorénavant exposés en grand nombre dans les musées.
À la maturité, l'impressionnisme de Morisot fait l'éloge du bonheur et de la grâce et s'imprègne d'un certain esprit du XVIIIe siècle dans lequel elle se reconnaît. Ses contemporains identifient immédiatement ce lien, évoquant une filiation spirituelle puis une parenté rêvée avec Jean-Honoré Fragonard. L'histoire s'écrit parfois sur des mythes.

Berthe Morisot (1841-1895). Au Bal, 1875. Huile sur toile, 62 x 52 cm. Paris, musée Marmottan Monet. © Musée Marmottan Monet.

Morisot fait poser un modèle - dont l'identité est inconnue - paré de certains de ses atours. C’est le cas de l'éventail dit à La Bergère et l’Oiseleur, un ouvrage réalisé dans la seconde moitié du XVIIIe qui est représenté ici grand ouvert. Morisot délivre ainsi une information essentielle sur ses goûts. Peint en 1875, ce tableau rappelle que la vie mondaine parisienne avait été marquée cet hiver-là par deux bals donnés par le président de la République dans les salons rénovés dans le goût du XVIIIe siècle du palais de l'Élysée ; Morisot, jeune mariée, avait souhaité y assister.
 
Texte du panneau didactique.
 
Éventail: Le Bain de Diane, vers 1760-1780. Ivoire sculpté, gouache et or sur papier. Ancienne collection Berthe Morisot. Paris, musée Marmottan Monet.
 
Éventail: La Bergère et l’Oiseleur, vers 1760-1780. Ivoire sculpté, gouache et or sur papier. Ancienne collection Berthe Morisot. Paris, musée Marmottan Monet.

Les deux éventails présentés ici appartenaient à Berthe Morisot. Ils sont chacun ornés en leur centre d’une scène galante, La Bergère et l’Oiseleur et Le Bain de Diane, illustrés notamment par François Boucher. Symétriquement entourés de médaillons figurant des putti en grisaille, ces décors évoquent les tapisseries dites «à alentours» de la Manufacture des Gobelins.
 
Éventail: Le Bain de Diane (détail), vers 1760-1780. Ivoire sculpté, gouache et or sur papier. Ancienne collection Berthe Morisot. Paris, musée Marmottan Monet.
 
Éventail: La Bergère et l’Oiseleur (détail), vers 1760-1780. Ivoire sculpté, gouache et or sur papier. Ancienne collection Berthe Morisot. Paris, musée Marmottan Monet.


2 - UN CADRE DE VIE
L'art du XVIIIe siècle au quotidien

Scénographie

L'art du XVIIIe siècle émaille l'histoire familiale de Berthe Morisot et accompagne ses premières années. Il est particulièrement présent au sein de la famille Riesener avec laquelle les Morisot se lient en 1864. Fondée par le plus grand ébéniste du XVIIIe siècle, Jean-Henri Riesener cette dynastie d'artistes est alors composée de peintres. Léon Riesener, aussi pastelliste, forme sa fille Rosalie à l'école de Boucher et de Watteau; il conseille, de la même manière, son amie Berthe.
Morisot est une habituée de leur demeure, située sur l'actuel cours Albert-1er dans le 8e arrondissement de Paris. Le décor de cette maison que fait construire Léon Riesener célèbre l'art du XVIIIe siècle. Une grande galerie présente, au-dessus de lambris, six tapisseries de la suite des Fêtes italiennes d'après François Boucher peintre du roi Louis XV, tapisseries que Rosalie représente dans une série de petites toiles ici exposées.
C'est dans cette maison que Berthe pose pour son amie, la peintre et sculptrice Marcello ou duchesse de Castiglione-Colonna dans le monde. Elle signe le portrait monumental de l'impressionniste présenté ici pour la première fois à Paris.


 
Texte du panneau didactique.
 
Marcello (Adèle d’Affry, duchesse de Castiglione-Colonna, dite) (1836-1879). Portrait de Berthe Morisot, 1875. Huile sur toile, 165 x 113 cm. Fribourg, Musée d’Art et d’Histoire (MAHF). © Primula Bosshard.
Rosalie Riesener (1843-1913) d’après François Boucher (1703-1770). Fêtes italiennes. De gauche à droite :
- Le Jardinier, 26,2 × 12 cm 
- La Pêcheuse, 26,2 × 17 cm
- L’Opérateur (groupe de musiciens), 26,2 × 11,5 cm
après 1846. Huile sur papier.
Saint-Germain-de-Livet, château-musée. © Pôle Muséal de la Communauté d’Agglomération Lisieux Normandie / Christian Baraja SLB.
 
Rosalie Riesener (1843-1913). Fêtes italiennes : La Musique. Huile sur papier. Saint-Germain-de-Livet, château-musée.
 
Rosalie Riesener (1843-1913). Scène de genre. Huile sur toile. Saint-Germain-de-Livet, château-musée.

Léon Riesener avait trouvé un usage didactique aux somptueuses tapisseries tissées en 1751-1753 à la Manufacture de Beauvais qu'il avait héritées de son aïeul maternel. Il avait fait de sa galerie une école de peinture familiale d’après François Boucher.
Une des scènes peintes par Rosalie, peut être au miroir, la montre en train de les transposer en peintures de petit format sous le regard de son père. Ce faisant, elle en étudie les compositions et les harmonies illuminées de fils de soie, de rose, bleu, jaune soufre. Père et fille sont vêtus à la mode du XVIIIe siècle.
Scénographie
 
Marcello (Adèle d’Affry, duchesse de Castiglione-Colonna, dite) (1836-1879). Marie-Antoinette à Versailles, 1866. Marbre. Fribourg, musée d'Art et d'Histoire.

Marcello a travaillé la sculpture à Paris avec Auguste Clésinger et, à Rome, avec un pensionnaire de la Villa Médicis, Jean-Baptiste Carpeaux, avec qui elle restera liée toute sa vie.
Pour l'artiste, «ce qui compte c’est l’idée». Elle expose en 1866 sous le pseudonyme de «Marcello (A.)» une paire de bustes de la reine guillotinée en 1793, Marie-Antoinette à Versailles et Marie-Antoinette au Temple. Ici, pour parfaire la coiffure de son héroïne, la duchesse a pris pour modèle ses propres plumes, aigrettes et rubans.
 
Léon Riesener (1808-1878). Portrait de Rosalie Riesener, 1866. Pastel sur papier. Saint-Germain-de-Livet, château-musée.

Lorsque Léon Riesener commence à exposer ses portraits au Salon de 1850, c’est la révélation d’un grand pastelliste. Par leur ressemblance et leur technique, le rendu des chairs et des matières, son art est rapproché de celui des pastellistes du XVIIIe siècle, Maurice-Quentin Delatour, Rosalba Carriera et d’autres maîtres, par le critique Théophile Gautier.
Ce portrait de sa fille fut accroché à côté de portraits de famille du XVIIIe siècle, par Marie-Gabrielle Capet et Antoine Vestier, tous soumis à l’œil scrutateur de Berthe Morisot lors de ses visites.
 
Attribué à Maurice Quentin Delatour (1704-1788) ou Jean Valade (1710-1787). Portrait d’homme, vers 1770. Pastel sur papier. Paris, Institut de France, musée Jacquemart-André.

Personne ne doute au XIXe siècle que ce pastel soit de la main de Maurice-Quentin Delatour, par comparaison avec ses portraits signés des années 1750 (comme le Comte de Coventry).
Le portrait est acquis en 1873 par le banquier et collectionneur Auguste de Gas qui le conserve dans sa collection jusqu’en 1876. C'est vraisemblablement durant ce laps de temps que son fils, Edgar Degas, en peint une copie à l’huile ici présentée. Par la suite, la veuve d’Edouard André, Nélie Jacquemart, elle-même peintre de portraits, fait l’acquisition du pastel en 1898 pour l’ornement de son hôtel particulier du boulevard Haussmann. L'œuvre a été attribuée en 2011 à Jean Valade.
 
Edgar Degas (1834-1917). Portrait d'homme, d’après Maurice Quentin Delatour ou Jean Valade, vers 1873-1876. Huile sur toile. Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts.

Le pastel et sa copie par Degas sont ici réunis pour la première fois depuis 150 ans. Degas recherche le faire des Maîtres anciens. La comparaison directe permet d'apprécier le défi qu’il se donne de retrouver la pratique des rares portraitistes du XVIIIe doués d’un double talent et capables de reproduire un portrait au pastel à l’huile. Le pinceau de Degas mime la retouche finale des bâtons du pastelliste en animant la surface de fines hachures diagonales dans les ombres. Il cherche à rendre l’aspect pelucheux du papier et à restituer les passages bleutés du fond à droite. À la même époque, Degas invite Morisot à participer comme lui à la 1ère exposition des «Impressionnistes» de 1874. La peintre est au fait de ces recherches.


3 - WATTEAU, FRAGONARD, MORISOT...
Retrouvailles aux musées

Scénographie

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les musées font peu de place à la peinture du siècle précédent. Le cas d'Antoine Watteau, figure majeure du début du XVIIIe siècle, est éloquent. Du peintre des fêtes galantes, une seule œuvre est exposée au Louvre, L'Embarquement pour Cythère (1717). La copie qu’en donne le précurseur de l'impressionnisme, Eugène Boudin, est l'un des témoignages de l'intérêt que portent les artistes à leurs prédécesseurs oubliés.
Dans la seconde partie du XIXe siècle, les musées de France offrent peu à peu une nouvelle visibilité à toutes les formes d'expression de l'art du XVIIIe siècle: peintures, dessins, pastels. À partir de 1870, plusieurs centaines d'œuvres de Watteau. Fragonard, Maurice-Quentin Delatour... sont désormais présentées au Louvre dont Berthe Morisot est une habituée. Peint vers 1875, Jeune femme arrosant un arbuste est une réminiscence, adaptée à la femme moderne, des œuvres qu'elle aura vues aux musées et chez ses amis, tout comme son pastel, Femme en gris debout.

 
Texte du panneau didactique.
 
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806). Jeune Femme debout, en pied, vue de dos, vers 1762-1765. Sanguine sur papier vergé, 37 x 25 cm. Orléans, Musée des Beaux-Arts. © François Lauginie.
 
Antoine Watteau (1684-1721). Les Plaisirs du bal, vers 1715-1717. Huile sur toile, 52.5 x 65.2 cm. Londres, Dulwich Picture Gallery. © Dulwich Picture Gallery, Londres.

Une multiplicité de tableaux de Watteau s'offre au public du Louvre à partir du 15 mars 1870 avec le legs de Louis La Caze.
Avant cela, la soif de découvertes de Morisot l'avait conduite hors frontières, au Prado et dans les demeures à Madrid en 1869. En voyage de noces avec Eugène Manet à Londres en 1875, elle visite musées et collections particulières. Le genre de la fête galante inventé par Watteau met en scène des personnages de dos, un motif que Morisot emprunte pour Jeune femme arrosant un arbuste, exposé à proximité.
 
Eugène Boudin (1824-1898). Pèlerinage à l'Isle de Cythère, d’après Antoine Watteau. Huile sur toile. Honfleur, musée Eugène Boudin.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Eugène Manet à l’île de Wight, 1875. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Jeune Femme arrosant un arbuste, 1876. Huile sur toile, 40 x 31,7 cm. Richmond, Virginia Museum of Fine Arts. Collection de Monsieur et Madame Paul Mellon. © Photo Katherine Wetzel / Virginia Museum of Fine Arts.


4 - BOUCHER & LA GRÂCE DE MORISOT

Scénographie

Vers 1880, la peinture de Morisot se déploie dans des scènes intimistes et de la vie quotidienne; elle se distingue par des couleurs claires et vibrantes, une savante liberté de facture, autant de caractéristiques communes à l’art du milieu du XVIIIe siècle. C'est du reste à cette période que l'intérêt de l'impressionniste pour l'école française du XVIIIe s'affirme. En 1883, Morisot copie une partie d’un tableau de Boucher qu'elle admire au Louvre. Cette toile, présentée dans cette galerie, est destinée à orner son salon-atelier, autrement dit, elle compose le décor dans lequel elle évolue au quotidien. Ici, Morisot s'inscrit dans la filiation d'un art de vivre qui exalte le bonheur.
Ce que l'on observe dans cette interprétation de Boucher se retrouve ailleurs chez Morisot. Les roses et les bleus passent dans Paule Gobillard peignant, teintent les blancs de Femme à sa toilette. Les blancs deviennent argentins dans Jeune femme en gris étendue et laiteux dans Jeune femme en toilette de bal. Le rapport de Morisot à l'art du XVIIIe ne relève ni de la copie servile, ni du pastiche. L'impressionniste s’imprègne de son esprit et de sa grâce qu'elle distille dans son art. Par un alliage subtil, c'est «une pointe de XVIIIe exaltée de présent» (Mallarmé).

 
Texte du panneau didactique.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Roses trémières, 1884. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Le Jardin à Bougival, 1884. Huile sur toile, 73 x 92 cm. Paris, Musée Marmottan Monet. © Musée Marmottan Monet.

Le sentiment d’une nature sans artifice est tempéré au XVIIIe siècle par les éléments d'architecture, folies, treillages de bois, vases de pierre, auxquels elle se conjugue. Ce goût, illustré par la tenture des Fêtes italiennes connue de Morisot, transparaît dans l’exubérante clarté de son jardin de Bougival scandée d’un pan de mur surmonté d’un balcon ou recouvert de treillages de bois.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Femme à sa toilette, vers 1875-1880. Huile sur toile, 60,3 x 80,4 cm. Chicago, The Art Institute of Chicago, fonds Stickney. © Chicago, The Art Institute, courtesy The Art Institute.

Morisot, sensible au détail d’une nuque reflétée dans un miroir entrevu sur les portraits de Boucher, en fait le sujet principal de son tableau.
Elle peint, dans la grande lumière de sa chambre autour de son lit Louis XVI à dossiers droits garnis de tissus clairs, un portrait de dos, illumine telle «une véritable perle», comme le décrit Émile Zola, «où les gris et les blancs des étoffes jouent une symphonie très délicate».
 
François Boucher (1703-1770). Les Forges de Vulcain ou Vulcain présentant à Vénus des armes pour Enée, vers 1756. Huile sur toile, esquisse en grisaille, 35 x 42.5 cm. Paris, musée des Arts décoratifs. © Les Arts Décoratifs.

Cette peinture en grisaille témoigne du feu de l'invention de l'artiste. Au XVIIIe siècle, l’esquisse est prisée et collectionnée pour elle-même. Elle prépare ici la composition du grand carton de tapisserie, peint à l'huile sur toile de 3,20 m de côté, destiné à être exécuté en tapisserie par la Manufacture des Gobelins en 1757 (tenture des Amours des dieux). Du carton de tapisserie de la collection de Louis XV exposé au Louvre, Berthe Morisot choisit de copier deux Grâces proches de l’éblouissante clarté ménagée dans les nuages.
 
Berthe Morisot (1841-1895) d’après François Boucher (1703-1770). Vénus va demander des armes à Vulcain, 1884. Huile sur toile, 114 x 138 cm. Collection particulière. © Christian Baraja SLB.

«Cette toile pleine de lumière, d’air, de vie, d’une couleur charmante, est le chef-d'œuvre de Boucher», s’exclamait l'époux de Berthe Morisot, Eugène Manet. L’impressionniste l'interprète d’un pinceau ample, laissant place aux empâtements, tout à la pensée d’une œuvre décorative.
Les murs de son salon-atelier qu’elle a fait orner de lambris ne laissent pas de place à la peinture, comme il en était au XVIIIe siècle. Dans cet esprit, elle a aménagé au-dessus de la glace «Louis XIV» un espace où accrocher son tableau d’après Boucher, pour un temps. Il sera bientôt remplacé par une toile donnée par Monet, Les Villas à Bordighera (Paris, musée d'Orsay).
Scénographie
 
Berthe Morisot (1841-1895). Jeune Femme au divan, 1885. Huile sur toile, 61 x 50,2 cm. Londres, Tate Gallery. © Londres, Tate.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Jeune Femme en toilette de bal, 1879. Huile sur toile, 71,5 x 54 cm. Paris, musée d'Orsay. Photo © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Stéphane Maréchalle.

À la cinquième exposition impressionniste en avril 1880, la critique se donne le mot pour comparer Morisot à Fragonard: «Ses ébauches rappellent sans la moindre servilité mais par une sorte de filiation spirituelle les plus charmantes ébauches de Fragonard. Elle est, d’ailleurs, très moderne de type et d’accent. Sa Jeune fille en toilette de bal dans un jardin; sa Jeune femme au manchon; surtout sa Jeune fille au miroir, une chose exquise, la met hors ligne et lui impose le devoir de ne pas s’arrêter là» (Trianon).
 
François Boucher (1703-1770). Pastorale ou Berger gardant ses moutons, vers 1751. Huile sur toile. Caen, musée des Beaux-Arts.

Pour le préfet Morisot, père de la peintre, une collection de tableaux devait être «à disposition du public et des artistes en formation dans les écoles d’art à chaque instant». De 1840 à 1852, à Limoges comme à Caen, il avait suscité des collectionneurs les dons aux musées. La Pastorale illustre cet élan.
Le paysage offre en son centre cette «impression d’éblouissement » qu’aimait tant Berthe Morisot. Julie Manet, sur les pas de son aïeul et de sa mère, pointe ce tableau lors d’une visite à Caen l’été 1897.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Jeune femme en gris étendue, 1879. Huile sur toile. Collection particulière.


5 - MORISOT & « CEUX DU SIÈCLE DERNIER »
Peindre complètement la beauté
Scénographie

Paris, avril 1880, Le nom de Fragonard est sur toutes les lèvres La plus importante collection jamais réunie de cet artiste par l'amateur Hippolyte Walferdin (1795-1880), qui offrit au Louvre l'admirable Leçon de musique, est dispersée à l'hôtel Drouot. Non loin de là, au même moment, les impressionnistes ouvrent leur cinquième exposition. Cette conjoncture favorise les parallèles. Pour la première fois, Morisot est comparée au maître. On remarque «ses ébauches qui rappellent sans la moindre servilité, mais par une sorte de filiation spirituelle, les plus charmantes ébauches de Fragonard» (Trianon).
Fragonard sera l'artiste le plus souvent associé à l'art de Morisot par ses contemporains. Cependant, son intérêt est plus large. Évoquant les maîtres qui surent peindre «complétement la beauté», Morisot note: «Il est juste d'y joindre ceux du siècle dernier qui l’ont rendue également avec plus d'afféterie mais bien du charme. Voir les grâces du grand tableau de Vénus et Vulcain de Boucher, les portraits de Mme de Pompadour de Boucher et Latour, les admirables Perronneau de la collection Groult - et aussi les Maîtres Anglais- Reynolds, Romney.»


 
Texte du panneau didactique.
 
Louis Aubert (1720-1785). La Leçon de lecture, 1740. Huile sur bois. Amiens, musée de Picardie. © photo Marc Jeanneteau / musée de Picardie.

Louis Aubert dirigea l’orchestre de l'Opéra comme l'avait fait son père. Parallèlement peintre et dessinateur, il décora les appartements du Dauphin à Fontainebleau, Versailles et Compiègne. Dans cette scène de genre figurant le monde de l'enfance, il restitue avec précision le décor de la glace de cheminée et l'encadrement du tableau ovale la surmontant. Cette structure décorative du XVIIIe siècle est réinterprétée en 1882 par Morisot pour orner son salon-atelier.
 
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806). La Leçon de musique, 1769. Huile sur toile, 109 x 121 cm. Paris, musée du Louvre, département des Peintures. Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux.

La célèbre Leçon de musique de Fragonard a été donnée au musée du Louvre par François Hippolyte Walferdin (1795-1880), le 15 mai 1849.
La toile esquissée en frottis légers est emblématique de la virtuosité de l'artiste. La touche et le toucher sont au centre de la scène intime jouée par les deux personnages devant le livre ouvert sur le clavecin. Berthe Morisot s'intéresse à une partie de ce tableau, dont elle laisse un croquis dans le carnet de dessins présenté ici.
 
Berthe Morisot (1841-1895). La Fable, 1883. Huile sur toile, 65 x 81 cm. Collection particulière. © Christian Baraja SLB.
 
George Romney (1734 - 1802). Mrs Mary Robinson, vers 1780-1781. Huile sur toile, 75,7 x 63,2 cm. Londres, The Wallace Collection. © Wallace Collection, London, UK / Bridgeman Images.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Dame au manchon ou Hiver, 1880. Huile sur toile, 74,9 x 61,6 cm. Dallas, Dallas Museum of Art, don de la Meadows Foundation, Incorporated. © Dallas, Dallas Museum of Art / image courtesy Dallas Museum of Art.
Scénographie
 
Sir Joshua Reynolds. Têtes d’anges, vers 1786-1787. Huile sur toile, 74,9 x 62,9 cm. Londres, Tate.

Ce portrait de Lady Frances Gordon, âgée de 5 ans, apparaissant comme un ange dans plusieurs vues, était si populaire que les registres de la National Gallery révèlent qu’il a été copié 314 fois par des artistes travaillant au musée entre 1846 et 1895. Morisot est impressionnée par l’art de Reynolds qu’elle rencontre dans les collections londoniennes.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Autoportrait, 1885. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet.

Pour son autoportrait, Morisot adopte une pose emblématique, buste de profil, visage tourné vers le spectateur devant lequel le modèle semble passer. Elle le traite en pochade, un terme qui désignait «ces essais libres, ou hardiment pochés». Ce faisant, elle souscrit au goût pour l'ébauche des amateurs du XVIIIe siècle.
Berthe Morisot (1841-1895). Éventail, 1886. Aquarelle sur soie. Collection particulière.

Morisot peint à l’aquarelle un éventail au décor imité des deux éventails du XVIIIe siècle qu’elle possède (présentés ici en début d’exposition), eux-mêmes repris du décor des tapisseries à alentours des Gobelins. Conformément à ses éventails qu’elle prend pour modèles, elle dispose symétriquement, de part et d’autre d’une scène centrale, ici un paysage du Bois de Boulogne, des portraits en médaillons: celui de sa fille Julie et le sien, reprise de l’Autoportrait visible dans cette salle. Le tout est relié par des guirlandes fleuries.
 
Thomas Gainsborough (1727-1788). Samuel Linley, 1778. Huile sur toile. Londres, Dulwich Picture Gallery.
 
Jean-Baptiste Perronneau (1716-1783). Portrait de Karl Friedrich von Sternbach, 1747. Huile sur toile. Leipzig, Kunstbesitz der Universität Leipzig.


6 - LE PASTEL DONNE LE TON

Scénographie

1885 marque un tournant. L'exposition de pastellistes français organisée à la galerie Georges Petit, à Paris, met à l'honneur les pastellistes du XVIIIe siècle et révèle le talent de l'un d'entre eux, Jean-Baptiste Perronneau. Son art emporte l'enthousiasme de Berthe Morisot.
Cette même année, le pastel prend une place encore plus importante dans le processus créatif de l'impressionniste. Dorénavant, elle l'utilise autant que l'huile. L'accrochage de cette salle où se mêlent pastels et huiles illustre cette évolution. Élément notable, l'inclination de Morisot pour l'inachevé se trouve dans les deux techniques.
Reprenant une pratique héritée de certains peintres du XVIIIe siècle, c'est au pastel que l'artiste élabore les compositions de peintures à venir et définit ses harmonies colorées. Ce qu'elle a trouvé au pastel lui permet de peindre rapidement, libère son geste et sa touche et donne l'impression d'une spontanéité du pinceau.

 
Texte du panneau didactique.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Fillette au jersey bleu, 1886. Pastel sur toile. Paris, musée Marmottan Monet.
 
Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783). Portrait d’une femme de face, 1768. Pastel sur vélin. Collection particulière.
 
Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783). Portrait d’une femme en Diane, 1760. Pastel sur parchemin, 55,8 x 46,3 cm. Collection particulière. © Christian Baraja SLB.

Morisot admire particulièrement les portraits au pastel de Perronneau. Après en avoir vu à l'exposition de 1885, elle cite les «admirables Perronneau de Groult». Si elle a rendu visite au célèbre Camille Groult (1832-1908), elle a pu voir ce pastel lui ayant appartenu parmi les 32 Perronneau qu’il se targuait de posséder. L'œuvre est décrite à la vente de sa collection: «La tête inclinée vers la gauche, un carquois sur l’épaule, elle présente une flèche de la main droite» (Paris, Georges Petit, 21-22 juin 1920, n° 32).
 
Berthe Morisot (1841-1895). Portrait de Louise Riesener, 1888. Huile sur toile. Paris, musée d'Orsay, en dépôt à Limoges, musée des Beaux-Arts.

Les signes du XVIIIe siècle se font nombreux et ostentatoires sur le Portrait de Louise Riesener. Ils ont trait aux accessoires, comme le bouillon de table vu chez Chardin, la table de marqueterie d’époque Louis XV héritée d’Édouard Manet, l’ornement des lambris du salon-atelier de Morisot figuré sur le fond. Ces signes sont aussi visibles dans le faire de la peintre, le degré recherché de non-fini, le coloris, le dessin des formes au pinceau couleur sanguine, les ombres vertes.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Enfants à la vasque, 1886. Huile sur toile, 73 x 92 cm. Paris, Musée Marmottan Monet. © Musée Marmottan Monet.
Scénographie
 
Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783). Portrait supposé de François Louis Boy de la Tour, 1773. Pastel sur vélin. Collection particulière.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Paule Gobillard en robe de bal, 1887. Huile sur toile, 81 x 65 cm. Collection Mirela et François-Marc Durand. © Christian Baraja SLB.

Les emprunts au faire des peintres du XVIIIe siècle sont un aspect clé de l’art de Morisot. Parmi ceux-là, «la loi des reflets» veut qu’une partie ombrée prenne la teinte de la partie voisine éclairée, ainsi sa couleur «dure et entière devient agréable par une douceur d'emprunt, sans toutefois que la nature en soit blessée» (Tocqué, 1750). Sur Paule Gobillard, un vert moyen vu sur les pastels de Perronneau teinte les ombres du visage. Ce tableau appartint à Jacques Doucet, fin connaisseur du XVIIIe siècle.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Fillette à la mandoline, 1890. Huile sur toile. Collection particulière.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Paule Gobillard peignant, 1887. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Mlle Marie de Vaissière, 1887. Pastel sur papier. Collection particulière.

Marie de Vaissière (1856-1908), fille du sous-préfet Emmanuel de Vaissière et d'Amélie Fournier, naît au château de Rouessé-Vassé (Sarthe). Ses cousins, Édouard et Eugène Manet, y séjournent plus tard avec leur famille. C’est alors, sous la conduite de Marie, une plongée dans un monde d’antan relaté par Julie: «on nous montre d’anciennes robes merveilleuses de tons, car les Vaissière ont beaucoup de choses leur venant de leurs grands-parents, des miniatures surtout qu’ils vénèrent. C’est très bien».
 
Berthe Morisot (1841-1895). Tête de fillette (Julie Manet), vers 1889. Pastel sur papier. Collection particulière.


7 - BOUCHER, UNE PASSION PARTAGÉE

Scénographie

Berthe Morisot et son époux, Eugène Manet, ont partagé une même admiration pour François Boucher. Il est l'artiste à propos duquel ils auront l'un et l'autre le plus écrit. Quand Berthe loue «cet homme extraordinaire qui a toutes les grâces et toutes les audaces», son mari note: «Boucher fait partie de cette avant-garde de l'art qui l'a mis presque de pair avec la nature. Il va d'emblée à ce qu'il y a de plus merveilleux dans la nature et peint ce qui éblouit l’homme, plus que la lumière elle-même, la carnation.»
En 1892, peu après la disparition d'Eugène, Berthe réalise l'ultime désir de son mari: elle séjourne à Tours. Au musée, elle pose son chevalet devant Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé de Boucher au sujet duquel Eugène avait jadis écrit: «Boucher est le peintre de la femme. Il l'admire comme le plus beau joyau de la création, il la voit comme une perle reflétant dans sa carnation toutes les nuances chatoyantes de l'atmosphère.» Morisot choisit un détail illustrant ce propos: deux nymphes aquatiques, entourées de roseaux. Le tableau qu'elle en tire prend ici la dimension d'une œuvre mémorielle.

 
Texte du panneau didactique.
 
Berthe MORISOT (1841-1895). Fillette au panier (Cocotte), 1891. Pastel sur papier, 58 x 41 cm. Paris, Musée Marmottan Monet. © Musée Marmottan Monet.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Dans le Pommier, 1890. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Bois de Boulogne, 1893. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet.
Scénographie
 
François Boucher (1703-1770). Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé, 1750. Huile sur toile, 129 x 157 cm. Tours, Musée des Beaux-Arts. © Musée des Beaux-Arts de Tours, cliché D. Couineau.

L'œuvre est une commande de Mme de Pompadour à François Boucher en souvenir de ses représentations à Versailles dans le rôle-titre de l’opéra Issé en 1749, un grand succès lyrique sur une musique d'André Cardinal Destouches. Par un puissant contraste d’ombres et de lumières, entre nature et merveilleux, elle magnifie les personnages qui irradient, comme illuminés.
Le motif des deux nymphes enlacées, retenu par Morisot, est une invention de Boucher, dont on connaît un dessin préparatoire.
 
Berthe Morisot (1841-1895), d’après François Boucher (1703-1770). Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé, 1892. Huile sur toile, 64,2 x 79,4 cm. Paris, Musée Marmottan Monet. © Musée Marmottan Monet / Studio Christian Baraja SLB.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Paysage de Tours, 1892. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Julie Manet et sa levrette Laërte, 1893. Huile sur toile. Paris, musée Marmottan Monet.

Julie Manet en héritière du goût de ses parents sera entourée, sa vie durant, de mobilier Louis XV et Louis XVI, comme ici le siège vide figuré à côté d’elle, peu après le décès de son père.
Prenant le relais de sa mère, Berthe Morisot, ses amis l'accompagneront aux musées, comme le fait le peintre Auguste Renoir à Versailles, une visite notifiée par Julie dans son Journal: «Nous allons à Versailles voir au musée les Nattier; il y en a de jolis ; les robes sont belles» (jeudi 10 août 1899).


8 - PÈLERINAGE À LA VILLA FRAGONARD

Scénographie

En 1895, Berthe Morisot décède brutalement à 54 ans. Sa fille Julie n'a que 16 ans. Pour mieux connaître les parents qu'elle a perdus si jeune, l'orpheline se plonge dans la correspondance familiale et s'appuie sur les témoignages de proches et de critiques d'art. Comme eux, elle associe naturellement le nom de sa mère à celui de Fragonard: «Nous allons au Louvre: [..] nous remarquons combien la Leçon de piano de Fragonard ressemble comme facture, coup de pinceau à ce que faisait Maman; il y a certainement une parenté» (Journal de Julie Manet, Paris, 19 février 1899).
Bientôt, elle fait le pèlerinage à Grasse, la ville natale de Fragonard, dont elle visite la villa. Son entrée, ici reproduite, lui fait forte impression: «[nous] descendons à la maison de Fragonard, dont on ne voit que le vestibule orné en camaïeu de têtes dans des couronnes; de faisceaux de flèches, etc... dans lequel se trouve l'escalier à la jolie rampe de fer forgé. C'est bien ici la demeure de Fragonard; on voit quelques-unes de ses figures sous ces arbres aux formes arrondies qu'il savait si bien rendre. Pendant que nous nous arrêtons à dessiner un peu on entend une sonate de Mozart tout à fait dans la coloration du lieu [...] et l'on pense à la délicieuse Leçon de musique de Fragonard du Louvre» (Journal de Julie Manet, Grasse, 27 octobre 1899).

 
Texte du panneau didactique.
 
Alexandre Évariste Fragonard (1780-1850). Portrait présumé de Claudine Duchêne-Morisot, grand-mère de Berthe Morisot, vers 1805. Plume, lavis et crayon sur papier. Collection particulière.
Scénographie
Berthe Morisot (1841-1895). Bergère couchée, 1891. Huile sur toile, 63 x 114 cm. Paris, Musée Marmottan Monet. © Musée Marmottan Monet.
Bergère couchée, peinte par Berthe Morisot en 1891, est un tableau décoratif. Son faire ample ainsi que son format permettent un accrochage à une hauteur où il est plus éloigné du spectateur. Son sujet même le rapproche des tableaux relégués au XVIIIe siècle en dessus de porte, de glace ou de cheminée, lorsque les intérieurs se parent de lambris. Ces boiseries définissent en effet une architecture laissant peu de place aux œuvres, au grand dam des amateurs de peinture de chevalet.
Dans le cas de Berthe Morisot, les informations qui nous sont parvenues de son lien au décor sont fortement marquées par le XVIIIe siècle. Comme on l’a vu au début de l'exposition, elle évolue dans un décor de lambris chez les Riesener. Fidèle à l’esprit du XVIIIe, elle décore les murs de son salon atelier de lambris figurés par des bordures et les ornent de motifs rocailles, coquilles, cadres ovales disposés symétriquement. C’est dans cet esprit que Bergère couchée est ici présentée.
 
Texte du panneau didactique.
 
Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783). Portrait de Madame Perronneau endormie, vers 1766. Pastel sur parchemin, 51 x 41 cm. Paris, Franck Baulme Fine Arts. © Studio Christian Baraja SLB.
Scénographie

«Un peintre si imprégné de la grâce et de la finesse du XVIIIe siècle» A. Renoir
Repos, qui clôture l'exposition, illustre les liens subtils qui unissent Berthe Morisot à l'art du XVIIIe siècle. Le thème de la jeune fille endormie la rapproche de ses prédécesseurs et particulièrement de Boucher que l'impressionniste a toujours admiré. Elle écrit à son sujet: « Vu hier chez un marchand de curiosité du faubourg Saint-Germain une gravure d'après Boucher d'une extrême inconvenance et pourtant d'une grâce adorable [..]: on ne peut rien imaginer de plus voluptueux que la femme endormie la poitrine gonflée d'amour» (Berthe Morisot, 1885).
Son ami Renoir a résumé en quelques mots la singularité de l'interprétation de Morisot: «Et quelle autre anomalie, de voir apparaître, dans notre âge de réalisme, un peintre si imprégné de la grâce et de la finesse du XVIIIe siècle; en un mot, le dernier artiste élégant et “féminin” que l’on ait eu depuis Fragonard, sans compter ce quelque chose de “virginal" que Madame Morisot avait à un si haut degré dans toute sa peinture» (1919).
En 1927, l'historien Henri Focillon en intégrant l'artiste à une Histoire de la peinture pointe cette même idée: «Le génie du XVIIIe siècle, mais non pas son libertinage, revit dans ces images familières et choisies, qu’anime une sorte d’aérienne volupté.» En ce sens, la peinture de Morisot s'inscrit dans le prolongement de l’école française du XVIIIe siècle.


 
Texte du panneau didactique.
 
Jean-Marc Nattier (1685-1766). Dame à la source ou Portrait présumé de la marquise de Boufflers. Huile sur toile. Limoges, musée des Beaux-Arts.

Ce portrait allégorisé de femme en source est une des premières œuvres à avoir été donnée au futur musée de Limoges, à l’instigation du préfet Morisot, père de Berthe. C’est un don de Charles Lesterpt de Beauvais (1789-1849), en 1846.
Représentée en allégorie de l’Eau, elle s’appuie sur une urne d’où s’épand de l’eau en abondance, une codification prisée au XVIIIe. À la suite des poètes antiques, l'Eau est considérée non seulement comme le principe de toutes choses, mais aussi comme la reine de tous les éléments.
 
Berthe Morisot (1841-1895). Repos (Jeune fille endormie), 1892. Huile sur toile, 38 x 46 cm. Collection particulière. © Thierry Jacob.
 
François Boucher (1703-1770). Jeune Fille endormie, 18e siècle. Huile sur toile, 35 x 55 cm. Fontaine-Chaalis, Fondation Jacquemart-André - Institut de France, domaine de Chaalis. © Fontaine-Chaalis, Fondation Jacquemart-André - Institut de France, domaine de Chaalis.
Fragonard / Morisot. Chronologie d'une parenté mythique (1/4)
Fragonard / Morisot. Chronologie d'une parenté mythique (2/4)
Fragonard / Morisot. Chronologie d'une parenté mythique (3/4)
Fragonard / Morisot. Chronologie d'une parenté mythique (4/4)