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 LAISSEZ-PASSER 
               Article 
              publié dans la Lettre n° 195 
               
 LAISSEZ-PASSER. 
              Film français de Bertrand Tavernier avec Jacques Gamblin, Denis 
              Podalydès, Charlotte Kady, Marie Desgranges, Maria Pitarresi, Marie 
              Gillain (2001-couleurs-2h50). Les films de Bertrand Tavernier sont connus et appréciés pour l’investissement 
              total de leur réalisateur dans une recherche constante de la vérité. 
              Faire revivre l’époque de l’occupation allemande à Paris durant 
              les années 42 et 43 est une chose. Raconter ce qu’elle fut réellement 
              dans le milieu du cinéma est plus complexe. A cette époque les studios 
              de la Continental, monument de la production allemande, régnaient 
              en maître sur le cinéma français. Jean Aurenche scénariste et Jean 
              Devaivre, assistant réalisateur, ont vécu de près cette période 
              noire. Pour connaître personnellement et à fond leur vie respective, 
              Bertrand Tavernier en fait les héros de son film qui devient ainsi 
              un véritable document sur l’époque. Tous les deux embarqués dans 
              la même galère, les deux Jean ont pourtant parcouru deux voies différentes 
              ce qui ajoute à l’intérêt du propos.
 Jean Devaivre, incarné par Jacques Gamblin (remarquable dans ce 
              rôle lunaire et aérien), a choisi d’agir. Marié et père d’un fils, 
              il va louvoyer entre son travail d’assistant à la Continental et 
              ses activités de résistant. Pour lui, travailler pour l’occupant 
              sans jamais signer de contrat, est la meilleur façon de continuer 
              ses activités clandestines sans être repéré. A la suite du vol d’un 
              dossier, son expédition rocambolesque en Angleterre est trop surréaliste 
              pour être fausse. On croit d’emblée à ce jeune mari et père qui, 
              entre deux prises de vue, deux distributions de tracts ou un attentat, 
              parcourt à vélo les 350 kilomètres qui le séparent de sa femme et 
              de son fils, réfugiés à la campagne. Une bien jolie parenthèse que 
              ce périple, qui permet à Tavernier d’insuffler une bouffée d’air 
              frais entre les nombreuses prises de vue des bombardements dans 
              un Paris obscur et ravagé, et la fraîcheur bucolique de la campagne 
              merveilleusement filmée.
 Jean Aurenche, plus ténébreux, (Denis Podalydès parfait dans ce 
              rôle qui lui ressemble), réagit durant ce temps en roi de l’esquive. 
              Refusant catégoriquement de travailler pour les allemands malgré 
              les pressions, il se défilera sans cesse, changeant constamment 
              d’hôtel... et de maîtresses. La force de ce film réside dans ces 
              deux comportements à la fois opposés et parallèles, uniquement réunis 
              par deux mots: cinéma et collaboration. Où commence cette dernière? 
              où finit-elle? Pour Aurenche comme pour Devaivre, l’engagement ou 
              le refus de collaborer fut une question de survie. Comme des funambules 
              sur leur fil, ils ont tenté l’un et l’autre de vivre ces années 
              en gardant leur conscience propre, mais en agissant chacun à sa 
              manière: Aurenche n’avait que lui à penser, Devaivre avait charge 
              de famille. Ils furent nombreux dans ce cas, nombreux aussi à être 
              inquiétés ou arrêtés à l’heure des règlements de compte. Héros du 
              quotidien, pris dans un événement exceptionnel, ils furent fidèles 
              à cette définition de Romain Rolland: « Un héros c’est quelqu’un 
              qui fait ce qu’il peut. Les autres ne le font pas ». La démonstration 
              de Bertrand Tavernier est claire. En reconstituant ces moments là 
              avec son talent coutumier, il leur rend hommage et la place qu’ils 
              méritent.  Lien: www.bacfilms.com/site/laissezpasser/index_flash.htm
 
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