LE  VOISIN DE PICASSO de et avec Rémi Mazuel. Mise en scène de Marie-Caroline Morel. 
                  Il  est difficile d'être celui qu'on ne voit pas, n'écoute pas, ne remarque même  pas. A plus forte raison quand on voudrait être le comédien reconnu sur le  devant de la scène, et non ce gardien de musée quasi transparent, à qui il  échoit d'indiquer la direction vers Picasso, au détriment de ce portrait qu'il  côtoie, celui d'un laissé-pour-compte qui eut cependant son heure de gloire,  avant de sombrer aux oubliettes de la notoriété escamotée. Alexis-Joseph  Mazerolle, élève de Charles Gleyre, condisciple de Sisley, Renoir, Monet,  Bazille. Peintre honoré du temps où il peignait la coupole de la Comédie  Française, décorait le foyer de l'Opéra, entre autres. Un beau palmarès sans  suite.
                  Mazerolle,  c'est par son frère aîné Gabriel qu'Antoine a appris à le connaître au point  d'en retracer toutes les facettes, devant les publics passagers qu'il tente d'y  intéresser. En vain.
                  Pour  combler le vide de son existence, il brosse les diverses figures qui hantent  son esprit tourmenté, endossant tour à tour la blouse du peintre ou le costume  étriqué de sa fonction, jouant sur les dialogues tronqués avec les peintres un  instant ressuscités ou les petits visiteurs scolaires dont il hérite  momentanément, à son corps défendant. Tyran d'atelier, élèves indisciplinés.  Une noria de personnages qu'on s'imagine sans les voir. 
                  Peintre  oublié, frère escamoté, comédien raté, gardien frustré. De lourds secrets  pèsent sur cet être déchiré qui sombre lui aussi dans l'ombre définitive, celle  de la démence.
                  Rémi  Mazuel, troublant de vérité, brosse de ce personnage un portrait en  clair-obscur, amertume et désenchantement, entre tendresse et dérision, forçant  le rire et la compassion face à l'injustice du talent et aux aléas de sa  reconnaissance.
                  L'espace  scénique est alternativement habité par la réalité contemporaine ou suggéré par  les évocations d'Antoine. A quelques siècles d'écart. Cette jonglerie  protéiforme déstabilise sciemment le spectateur qui ne peut manquer de  s'interroger : où s'instaure le vrai du récit ? où s'inaugure le délire mental  ?
                  C'est  à la camisole de force d'ouvrir le spectacle et de le clore... A.D. Théâtre de la Contrescarpe 5e.