PLAIDOIRIES

Article publié dans la Lettre n° 462
du 19 septembre 2018


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PLAIDOIRIES d’après Les grandes plaidoiries des ténors du barreau de Matthieu Aron. Mise en scène Éric Théobald avec Richard Berry.
Le tribunal est un théâtre. Se faisant l’avocat des hommes et des femmes qui doivent un jour répondre de leur crime, Richard Berry fait revivre cinq affaires judiciaires qui, par leur disparité, donnent une idée précise de l’application, qui se veut objective, de la justice et de la loi.
Pour Christian Ranucci, un homme de vingt ans, « incapable d’inspirer de la sympathie, froid, impassible, comme étranger au débat », accusé du meurtre de la petite Marie-Dolorès Rambla, Richard Berry est Maître Lombard. Il plaide sa haine de la peine de mort, porte ouverte à la barbarie, et insiste sur une enquête bâclée. Il pose aux jurés cette impitoyable question : « Allez-vous oser condamner un homme à mort sur un dossier pareil ? ». Ils oseront, peut-être influencés par le battage médiatique orchestré autour de ce crime odieux. La peine de mort n’est abolie que cinq ans plus tard.
En 2009, le procès de Véronique Courjault, coupable de trois infanticides avec la circonstance aggravante de la préméditation, est celui de l’indicible. Richard Berry reprend la plaidoirie de l’avocat Henri Leclerc. Il doit « toucher le cœur » des jurés, établir ce lien sacré avec eux afin de faire libérer rapidement sa cliente. Face à lui, l’avocat général Philippe Varin conclut son réquisitoire par ces mots : « Ne diabolisez pas Véronique Courjault mais n’en faites pas non plus une icône. Je réclame la peine de dix ans d’emprisonnement ». Les jurés appliquent une peine de huit ans.
Le procès prend parfois la forme d’un réquisitoire en faveur d’une loi, comme celle réclamée par Gisèle Halimi en 1972 lors du procès de la jeune Marie-Claire Chevalier, accusée d’avoir avorté à la suite d’un viol quand la loi l’interdit. Richard Berry reprend une plaidoirie devenue célèbre. Elle relève la jeunesse et l’ignorance de la jeune prévenue et s’appuie sur le fameux manifeste des 343 femmes en faveur d’une nouvelle loi. Michèle Chevalier, la mère de Marie-Claire, se voit condamnée à une amende de 500 francs avec sursis.
Lorsqu’il s’agit de deux policiers poursuivant deux adolescents dans les rues de Clichy-sous-Bois, l’avocat-comédien dénonce la relaxe qui s’ensuit, malgré la faute grave de non-assistance à personne en danger. La vie des deux jeunes s’est pourtant achevée dans le transformateur d’un site d’ EDF. Le verdict est reçu par un déchaînement de violence populaire.
Il arrive que le crime administratif soit opposé au crime ordinaire. La plaidoirie de Jean-Marc Varaut, avocat de Maurice Papon, se base sur cette différence. L’homme a participé à une chaîne de mort mais il n’en est qu’un maillon. Il faut pourtant « briser l’amnésie française » par respect pour les victimes qui, par sa faute, ont été exterminées. Condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour complicité de crime contre l’humanité, sa peine est commuée pour raison de santé.
Certains procès d’assises défraient la chronique et, pour ceux-ci, la pression médiatique ou populaire pèse lourd. D’autres passent incognito. Tous ont un point commun, leur immuable mise en scène dans la salle d’un tribunal où chaque « acteur » tient un rôle précis. La défense fait face à l’accusation et à la partie civile. Le crime a le poids des mots de chacune, le poids de la gravité de l’acte commis, allégée ou accrue par les témoins et le comportement de l’accusé lors de son procès. Face à eux, des jurés tirés au sort, ont la lourde responsabilité de juger.
Sans effets de manche, d’une plaidoirie à l’autre, Richard Berry soupèse l’importance de tous ces paramètres. Charmés par sa grande présence et la sobriété de son jeu, les spectateurs, dans un même élan, lui font une ovation. M-P.P. Théâtre Antoine 10e.


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