MICHAEL KOHLHAAS,
l’homme révolté

Article publié dans la Lettre n° 420
du 27 mars 2017


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MICHAEL KOHLHAAS, l’homme révolté d’après Heinrich von Kleist. Seul en scène de Gilbert Ponté.
Tout est affaire de cercles concentriques. Cercle du quotidien sans histoire de Michael Kohlhaas amoureux de ses chevaux, de sa femme, de ses enfants. Cercle du monde proche, première fracture dans cet équilibre souriant, avec ses petits féodaux sans vergogne, qui font vaciller le juste. Cercle plus large de la Justice, de la Loi revendiquées, jusqu’à la « Supplication » à l’Empereur. Michael Kohlhaas, fort de son bon droit et de son sens immanent de la justice, franchit ces cercles à mesure que croissent en lui le gouffre de la vengeance et le poison de la folie. D’une presque banale histoire de morgue aristocratique va se lever la révolte contagieuse et vengeresse des petits et sans grade, constamment floués par l’impunité des hobereaux. Puisqu’il n’obtient pas réparation par la Loi, Kohlhaas se fera le glaive d’une justice spontanée, aveugle et sanguinaire, qui le débordera, même au moment où, touché par la grâce de la rédemption, lui-même rend les armes et appelle à l’apaisement.  Pour avoir versé des torrents de sang et allumé les brasiers de la haine, il subira en quasi héros son châtiment, sans que le fauteur de l’injustice première, le baron de Tronka, ait à assumer son irresponsabilité.
De ce récit, Gilbert Ponté brode une tapisserie haletante et aussi échevelée que la course de ses deux chevaux bien aimés. Conte, tragédie, épopée sont convoqués dans le monologue et le dialogue. On entend le galop, on sent le vent dans les arbres, on brûle du feu des incendies, on se lamente avec l’épouse, on hurle avec les vengeurs, on sanglote avec le cœur éclaté du héros. Le souffle de la révolte s’amplifie et ravage villes et campagnes, la peur habite chaque interstice du paysage physique et mental d’une Allemagne féodale en proie à ses clivages irrémédiables et ses honneurs bafoués. Et Gilbert Ponté galope, extatique dans la vision des deux superbes étalons dont la robe et la grâce ont été souillées, et son cœur explose, avant de retrouver la paix du cercle des nuages blancs, autour de lui, en lui. Petit trot, galop, vers l’apothéose.
Un régal. A.D. Théâtre Essaïon 4e.

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