MADEMOISELLE MOLIÈRE

Article publié dans la Lettre n° 464
du 17 octobre 2018


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MADEMOISELLE MOLIÈRE. Texte de Gérard Savoisien. Mise en scène Arnaud Denis avec Anne Bouvier et Christophe de Mareuil.
Elle est calme, facétieuse, ironique. Il est fougueux, il s’agite et s’inquiète, en mal de compliments et de paroles rassurantes. Madeleine les prodigue à ce grand enfant bougon, impatient et anxieux. C’est qu’elle le connaît si bien, son Jean-Baptiste, avec qui elle a tout partagé depuis presque vingt ans. Complicités multiples d’une vie de plateaux foulés ensemble, de rires suscités, de galères et de succès. Complicité des rires et des corps amoureux, des baisers fétiches, des jalousies avouées et pardonnées. Oui, c’est un vrai couple, soudé dans le long compagnonnage des planches, dans la création commune, dans la lucidité. Elle lui fait reproche de ses complaisances courtisanes, il rétorque avec virulence sur la nécessaire allégeance aux puissants, sans se priver de les singer avec délices. Mais, derrière le fanfaron, il y a l’homme tourmenté qui se sait amoureux à en mourir d’une jeune femme qu’il devrait s’interdire, Armande, dite Menou, la fille de Madeleine. Il a conscience qu’il va tout faire exploser, le cœur maternel, la sérénité construite du couple, l’équilibre de la troupe, les quolibets publics. Madeleine, taraudée par la jalousie, joue les bravaches et pleure en secret. Jean-Baptiste, rongé par la mauvaise foi et une passion qui le submerge, témoigne d’une goujaterie sans nom et ne cède pas à l’apitoiement.
Mais telle est la force de l’amour qu’il est à la fois souffrance et matériau du génie. Molière court, les yeux grands ouverts, vers son drame définitif et la matière de ses plus grands succès. Et le petit chat mourra dans l’univers des cocus, les rires salueront les cornes qui leur pousseront au front. La renommée universelle sera au prix de ce déchirement.
Pour donner à voir l’intimité de ce couple de monstres sacrés, la mise en scène offre le double aspect de leur quotidien et des feux de la rampe, avec musiques d’époque et applaudissements en filigrane sonore. La parole de leurs tendresses et de leurs affrontements s’entrelace avec des scènes du répertoire où éclatent la jubilation du comique de Molière, le sourire de Madeleine, les sentiments mêlés. Jean-Baptiste boit trop et l’oubli ne vient pas le consoler, Madeleine retient ses larmes et crie sa douleur dans le noir. Tandis que l’objet de la discorde veille dans l’ombre, sous la forme d’un mannequin revêtu de la robe qu’Armande portera pour le rôle d’Agnès.
Anne Bouvier et Christophe de Mareuil sont excellents, elle dans la subtilité de la femme loyale et blessée, lui dans les pitreries du farceur, qui ne peut exprimer que par la véhémence sa mauvaise foi d’homme écartelé.
« L’Ecole des épouses ? », persifle Madeleine. « Non ! l’Ecole des femmes ! », éructe Jean-Baptiste.
Que ces choses-là sont joliment dites et encore mieux jouées ! A.D. Théâtre du Lucernaire 6e.


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