LE JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE

Article publié dans la Lettre n° 454
du 9 mai 2018


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LE JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE d’Octave Mirbeau. Adaptation Michel Monnerau. Mise en scène Jean-Pierre Hané avec Catherine Artigala.
Il est impossible à Célestine de compter le nombre de places où elle a servi. Celle-ci est la douzième en deux ans. Maltraitée, elle en a vu de toutes les couleurs selon les fantaisies de maîtres aux us et coutumes étranges, voire malsains. Après quelques échanges épistolaires avec Madame Lanlaire, sa future patronne, elle arrive à Mesnil-Roy, en Normandie, après un voyage épuisant depuis Paris. Vu de l’extérieur, le prieuré a belle apparence mais le regard aiguisé de la femme de chambre n’est pas long à jauger ses nouveaux maîtres. Pas de chic et dix ans de retard sur la mode. Elle avoue adorer servir à table, non par professionnalisme mais parce que « c’est là qu’on surprend ses maîtres dans toute la bassesse de leur nature intime… Ils en arrivent peu à peu à se révéler tels qu’ils sont…en attendant de s’en faire une arme terrible au jour des comptes à rendre ». Cette réflexion dessine tout de suite la mentalité de Célestine. Pourquoi ne traînerait-elle pas dans la boue tous ces maîtres qu’elle déteste pour leur inhumanité et les humiliations qu’ils lui font subir ? Le jugement qu’elle porte sur les serviteurs de la maison n’est pas plus amène : « des paysans abrutis ». Marianne, la cuisinière qui « grappille de-ci, vole de-là, autant qu’elle peut » et Joseph le jardinier-cocher, grossier personnage qui englobe tout le monde dans la même exécration. Joseph qu’elle a tout d’abord trouvé repoussant mais qui va savoir l’apprivoiser. Une enfant violée et assassinée, le vol de l’argenterie, Célestine connaît le coupable mais elle ne résiste pas à Joseph pas plus qu’à son intention d’acheter un petit café à Cherbourg. Leur départ, l’un après l’autre pour ne pas éveiller les soupçons, scelle leur complicité. Pour se voir enfin libre, patronne derrière son comptoir, Célestine suit Joseph et fera aveuglément tout ce qu’il voudra… jusqu’au crime.
Le roman, très mal accueilli lors de sa publication en 1900, est un noir pamphlet qui dévoile au grand jour la mentalité de la société française, toutes classes sociales confondues, et leurs relations. L’adaptation, très pertinente, met l’accent sur le regard que portaient les serviteurs sur leurs maîtres, leurs opinions politiques conduites par la haine aveugle de l’autre, et une soif de réussite, quitte à faire taire les principes religieux et moraux, mince vernis de leur prime éducation. La mise en scène et la scénographie, très sobres, mettent bien en lumière Catherine Artigala, Célestine parfaite, gouailleuse et revancharde. Un excellent moment ! M-P.P. Le Funambule 18e.


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