LE JOUR OÙ J’AI APPRIS QUE J’ÉTAIS JUIF

Article publié dans la Lettre n° 464
du 17 octobre 2018


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LE JOUR OÙ J’AI APPRIS QUE J’ÉTAIS JUIF de et avec Jean-François Derec. Mise en scène Georges Lavaudant.
Comment se fondre dans une société autre, jusqu’à s’y faire oublier en étant « komifo », malgré un accent et des expressions qu’on ne saurait gommer ? Comment être Grenoblois quand son identité remonte à Lodz en Pologne ? Comment surtout survivre à un trou de mémoire obligé quand rien ne subsiste d’un passé gommé par l’holocauste ? N’en reste-t-il vraiment rien ? Voire… Par les « bienfaits » de la triple insulte que lui jette à la tête sa camarade de jeux, un jeune garçon découvre les pans de son histoire et de l’Histoire. Le ver est désormais dans le fruit et, presque malgré lui, il n’aura de cesse de comprendre tout ce que ses parents ont tenté de lui cacher, dans leur volonté d’une assimilation sujette à caution. Cette révélation aura définitivement jeté un filtre de couleur sur le regard qu’il porte sur son monde pourtant familier, qu’il passe désormais au crible de questions qu’il n’ose pas poser à ses parents, sur son nom qu’il pensait breton, sur les « défenestrations » à répétition de sa mère, semées de ses « oy oy oy, vaï vaï, veh veh », un vrai lexique à soi seul ! Par ce choc de cultures intimes, entre univers familial et rencontres, l’enfant décillé s’approprie une identité singulière que fortifie résolument la dérision tendre.
Comment perdre puis retrouver, avec la dernière syllabe de son patronyme et cinq photos peu explicites, l’ancrage dans une tradition, avec des grands-pères, des cousins, le sol natal des disparus ? Jean-François Derec, avec un humour ravageur et une tendresse non moindre, nous convie à ce festin de mots et de rires salvateurs. Nul effet de décor, nulle envolée de pathos, pas de geste inutile, le récit se suffit à lui-même, sobre et digne. L’enfant de dix ans aura finalement gagné son chapeau et le droit de se dire non seulement né quelque part, mais surtout issu d’une vraie famille.
C’est drôle sans caricature, et l’émotion y louvoie entre pudeur du tragique entrevu et cocasserie de la vie qui va. A.D. Théâtre de l’Archipel 10e.


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