IVANOV

Article publié dans la Lettre n° 466
du 14 novembre 2018


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IVANOV de Anton Tchekhov. Traduction Brigitte Barilley, Christian Benedetti, Laurent Huon. Mise en scène Christian Benedetti. Scénographie Christian Benedetti, Emma Depoid avec Vincent Ozanon, Laure Wolf, Philippe Lebas, Philippe Crubézy, Brigitte Barilley, Alix Riemer, Yuriy Zavalnyouk, Lise Quet, Nicolas Buchoux, Christian Benedetti, Antoine Amblard, Martine Vandeville, Alex Mesnil. Participation musicale Élisa Huteau, Michel Rabaud.
Depuis la fenêtre haut perchée de leur demeure, Anna Petrovna observe son époux. Banal propriétaire terrien dans un district de la Russie centrale, Nicolaï Alexéiévitch Ivanov était autrefois un homme intelligent, gentil et amoureux. Anna a renié sa religion pour l’épouser, faisant fi du consentement de ses parents qui l’ont déshéritée et bannie de leur vie. Elle n’a aucun regret. Après ces cinq années de mariage, elle aime son époux comme au premier jour mais se demande pourquoi il a tellement changé.
Seul un séjour en Crimée pourrait sauver Anna atteinte de phtisie. Malgré les exhortations de Lvov, le jeune médecin amoureux d’elle qui la soigne, Nicolaï s’y refuse par manque de moyens financiers. Lorsque Lvov s’insurge, relevant son « impitoyable cruauté », Anna trouve encore des raisons pour le défendre.
Nicolaï ne comprend pas plus que son épouse le changement qui s’est opéré en lui. Il ne l’aime plus. Affligé d’une sorte de paresse, gagné par la dépression, il est partagé entre un sentiment de culpabilité et le poids de l’immobilisme qui l’empêche d’agir. Mikhaïl Borkine, gérant de la propriété, ne parvient plus à faire face aux échéances et tente sans succès de le secouer de sa torpeur, lui proposant des affaires mirifiques.
Et voici qu’Ivanov laisse Anna à sa solitude pour passer ses soirées chez Pavel Lébédev et sa femme Zinaïda à qui il a emprunté 9 000 roubles. Le Comte Chabelski, son oncle, écornifleur invétéré, l’accompagne. L’entourage commente en des termes crus les relations entre Nicolaï et sa femme juive, « la youpine » épousée, selon eux, pour une dot que ses parents lui ont refusée. Pavel est fier de sa fille Sacha. Elle n’a que vingt ans mais possède l’esprit d’entreprise et la soif d’indépendance de la jeunesse. Amoureuse d’Ivanov, c’est à un homme complétement perdu qu’elle se déclare...
Anton Tchekhov a 27 ans lorsqu’il écrit cette première « grande » pièce qu’il présente comme une comédie. Comment vouloir nommer « comédie » l’histoire d’un homme dépressif dont les tourments ne rendent pas indifférent ? Comment trouver drôle la description d’une insondable tristesse d’une société en décrépitude ? Malade d’ennui, celle-ci est peuplée de petits bourgeois hypocrites, pique-assiette qui tentent de meubler la vacuité de leur existence en colportant des ragots d’une rare méchanceté, alternant mots doux et paroles indignes, certains voyant partout des crapules mais capables de s’approprier la fortune d’une veuve.
Anton Tchekhov ne porte pas de jugement sur les personnages, il décrit simplement une société en perdition. Christian Benedetti lui emboîte le pas. Il mène tambour battant le déroulé de cette pièce que l’auteur rebaptisera « drame en quatre actes ». Les comédiens, en costumes contemporains, alourdissent un peu l’action en changeant eux-mêmes les décors entre les actes. Ils parlent vite, ne mâchent pas les mots d’une traduction coup de poing. Les répliques claquent, certaines ponctuées de silences éloquents, sortes d’arrêts sur image. Ils proposent ainsi, sans la trahir, une vision moderne et efficace de l’œuvre. M-P.P. Athénée Théâtre Louis - Jouvet 9e.


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