DOM JUAN ou le Festin de pierre

Article publié dans la Lettre n° 273


DOM JUAN ou le Festin de pierre de Molière. Mise en scène Philippe Torreton. Collaboration artistique Jean-Luc Revol, Pierre Cassignard avec Philippe Torreton, Jean-Paul Farré, Yann Burlot, Caroline Charléty, Nicolas Chupin, Sophie-Charlotte Husson, Stephan Jones, Serge Maillat, Florence Muller, Maximilien Muller.
Les vertus du tabac et le plaisir de fumer une bonne pipe ne suffisent pas au bonheur de Sganarelle. Son maître Dom Juan le peine, le tourmente et lui fait honte. Malgré les liens du mariage qui le tiennent engagés à Elvire, et Dieu sait si celle-ci ne manque pas de le lui rappeler, ne bafoue-t-il pas celle qu’il a prise pour femme en l’abandonnant pour aller courtiser d’autres jupons? Et le meurtre du commandeur n’appelle-t-il pas à la vengeance, même s’il conclut: « j’ai eu ma grâce de cette affaire » ? Malgré les mises en garde de son valet, Dom Juan s’apprête à enlever de la barque qui la transporte une belle prête à se marier. Le futur couple file le parfait amour, cela l’agace. Par chance, une tempête contrarie son projet et le voici échouant sur une plage sauvé par le brave Pierrot. Le sauveteur peut s’en mordre les doigts. Le traître se met à courtiser sa propre fiancée tout en en lutinant une autre… « le plus grand scélérat que la terre eut jamais porté » traîne dans son impudent sillage un chapelet de pères outragés, de filles déshonorées et de frères vengeurs…Ni les exhortations de son père, ni celles d’Elvire, touchée par la grâce, ne le détourneront de son insolent dessein, même s’il on le dit voué aux flammes de l’enfer.
Philippe Torreton reconsidère l’œuvre de Molière et porte ainsi sur le héros un regard différent. Les rumeurs et la censure que Dom Juan a déclenchées lors de sa création, dénonçant l'auteur et sa pièce, il les rappelle grâce à un sonnet commençant par ces mots: «Tout Paris s'entretient du crime de Molière » et dit en prologue par la voix off de Michel Bouquet. Puis d’acte en acte, il s’applique à démontrer que Dom Juan, dont le prénom est pourtant passé dans le langage commun pour désigner un coureur de jupons impénitent croquant la vie à belles dents, n’est en fait que la personnification du ratage complet d’une vie qu’il finira par perdre, car il échoue dans tout ce qu’il entreprend. A travers son héros, Molière se moque tout simplement de ses contemporains et de l’Eglise.
Cette démarche entreprise de façon très pédagogique est accentuée par une mise en scène minutieuse, presque appliquée, animée par une multitude de décors recherchés qui permettent aux comédiens une très grande mobilité. Celui de la plage dans son immensité ou celui de la forêt tout en perspective que maître et valet semblent réellement « traverser », donnent presque l’impression d’une scène filmée. Beaucoup apprécieront l’effet comique voulu par l’accoutrement de Monsieur Dimanche et les atours d’une Elvire entrant au couvent ou encore par le côté théâtral des fameuses scènes où intervient le commandeur, saluées par un « la vache » admiratif de la part d’une spectatrice bleuffée !
En confiant à Jean-Paul Farré le rôle de Sganarelle, Philippe Torreton était certain de son affaire. Cet immense comédien, quelque soit son rôle, est toujours parfait. Lui-même dans le rôle de Dom Juan s’en sort avec les honneurs car il n'est pas simple de mettre en scène et de jouer tout à la fois. Les autres comédiens sont à l’unisson, chacun jouant sa partie avec talent. Le parti pris ludique et accessible que Philippe Torreton prend avec cette mise en scène plaira sans conteste au jeune public et ne décevra pas les amateurs épris de nouveauté. Théâtre Marigny 8e.


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