LES  DÉMONS d’après  Fiodor Dostoïevski. Adaptation Erwin Mortier. Traduction Marie Hooghe. Mise en  scène Guy Cassiers, dramaturgie Erwin Jans, scénographie et costumes Tim Van  Steenbergen, vidéo Bram Delafonteyne avec la troupe de la Comédie-Française  Alexandre Pavloff, Christian Gonon, Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Hervé  Pierre, Stéphane Varupenne, Suliane Brahim, Jérémy Lopez, Christophe Montenez,  Dominique Blanc, Jennifer Decker, Clément Bresson et Claïna Clavaron et les  comédiens de l’académie de la Comédie-Française Vianney Arcel, Robin Azéma,  Jérémy Berthoud, Héloïse Cholley, Fanny Jouffroy, Emma Laristan.
                  Dans le salon de sa propriété,  Varvara Stavroguina et sa pupille Dacha Chatova, sœur d’Ivan Chatov, remémore leur  voyage en Europe, Paris, Londres et son innovant Crystal Palace, édifié pour l’exposition universelle de 1851. La  jeune Dacha évoque aussi un voyage en Suisse, entrepris seule avec Nikolaï  Stavroguine, le fils de Varvara. 
                  Préoccupée par leur relation,  Varvara propose à sa protégée d’épouser Stépane Verkhovenski, son ami intime de  53 ans, ancien professeur d’université, un libéral idéaliste qui vit à ses  crochets depuis vingt-cinq ans. Il a connu très tard son fils Piotr, jeune  agitateur nihiliste qui prône une révolution destructrice. La stature  charismatique de Nicolaï séduit Piotr, désireux de souder sa cellule  révolutionnaire et terroriste par un crime, grâce à un leader tel que lui. 
                  Varvara projette aussi de marier  Nicolaï à Liza Touchina, une riche héritière, amoureuse de lui, dont les ambitions  littéraires réveilleraient, selon elle, la léthargie générale. Mais Nicolaï est  marié secrètement à Maria Lébiadkina, une jeune femme déséquilibrée, hébergée  chez Ivan Chatov, ancien nihiliste devenu nationaliste et croyant. Les complots  de ces deux générations en conflit provoqueront assassinat, meurtre, suicide et  destruction.
                  Le roman de Dostoïevski, habilement  adapté, dépeint le nihilisme mortifère d’une société exsangue, partagée entre  l’ancienne génération apathique, dépourvu de la moindre idée neuve, aussi  paresseuse que le peuple qu’elle qualifie ainsi, et une jeune génération dont  la violence arme un bras destructeur sans aucun objectif pour l’avenir. 
                  Une dramaturgie très subtile marque  l’opposition des deux générations et la destruction de leur monde par la projection  des comédiens sur des cadres mobiles. On les suit alors présents sur scène ou à  l’écran. Les comédiens font magnifiquement vivre les personnages qu’ils  incarnent, engoncés dans des costumes d’une raideur glaçante. En retrait, les  musiciens ponctuent les scènes. Et la vacuité de la verrière contraste avec l’effervescence  supposée du palais de verre londonien. Lorsqu’il fut la proie des flammes,  William Churchill déclara: « C’est la fin d’une époque ». Ces mêmes  flammes qui envahissent la scène figurent, elles aussi, la fin d’une époque. Une  création ambitieuse qui fera date. M-P.P.  Comédie-Française Salle Richelieu 1er.