DARIUS

Article publié dans la Lettre n°554 du 28 septembre 2022


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DARIUS. Texte Jean-Benoît Patricot. Mise en scène André Nerman. Avec Catherine Aymerie et François Cognard.
Il y a Darius, un jeune homme qu'une maladie dégénérative conduit irrévocablement vers une mort très proche. Désormais sourd, aveugle, immobile, mais doué d'un exceptionnel sens olfactif. Il y a sa mère Claire, scientifique lucide sur l'urgence de l'échéance, qui veut lui offrir le cadeau déconcertant de ses ultimes sensations. Il y a Paul, « nez » de parfumeur hors pair, qui s'est recroquevillé dans la solitude depuis la mort de son épouse.
Claire lui demande de faire revivre à Darius, par des parfums caractéristiques des nombreux voyages qu'il a vécus par le passé, toutes les sensations de plaisir et de bonheur dont elle voudrait nimber son agonie. Comme un ultime gage d'amour maternel.
Paul refuse, mais Claire force le barrage de ses réticences. Il cède et se prend au jeu. S'amorce alors pour lui un formidable périple à travers les villes d'Europe, en quête des subtilités suggérées, chatoyantes ou triviales. L'ours sort de sa tanière et renoue avec la vie.
Sur le filigrane des courriers échangés, entre défis, semi-échecs et joyeuses victoires, on perçoit une relation tripartite, tissée des déceptions momentanées ou des explosions de mémoire de Darius, à l'aune d'une intimité croissante entre la mère et le parfumeur en veine progressive de souvenirs, littéraires et autres, et d'aveux délicats. Entre colère et humour, avancées et reculades, Claire et Paul déroulent le fil épistolaire d'une complicité un peu trouble, semée de salutations révélatrices de leurs sentiments. On se vouvoie puis se tutoie, à la courtoisie formelle succèdent les sursauts tendres ou encolérés, la froideur de l'éloignement, la douceur des retrouvailles apaisées, chacun de son côté, définitivement modifié dans le cours de son existence.
Dans le clair-obscur qui met en valeur l'alternance de leurs espaces respectifs où se lisent les courriers qu'ils échangent, le récit échappe à la sensiblerie et au larmoiement, avec une pudeur et une dignité admirables. L'espace théâtral « résonne » métaphoriquement de fragrances inédites et subtiles, sans qu'il soit besoin évidemment que le parfum en soit diffusé. De « Singapurna » jusqu'à « Darius »,  la vie est là.
Un bonheur unanimement partagé par le public, dont chaque spectateur s'interroge peut-être sur ce qui nouerait olfactivement la trame de ses propres souvenirs... A D. Théâtre Essaïon 4e.


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