LA DAMA BOBA
ou celle qu’on trouvait idiote

Article publié dans la Lettre n° 471
du 23 janvier 2019


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LA DAMA BOBA ou celle qu’on trouvait idiote de Felix Lope de Vega. Mise en scène Justine Heynemann avec Sol Espeche, Stephan Godin, Corentin Hot, Remy Laquittant, Pascal Neyron, Lisa Perrio, Roxanne Roux, Antoine Sarrazin.
Deux sœurs, l’idiote et la femme savante. A Finéa un héritage conséquent, à Nise ses livres. Leur père Otavio, sans illusion, aimerait bien les caser. Autour d’eux, le poète Duardo dégouline de verbosité, la suivante Clara fraierait volontiers avec Turin, l’astucieux valet du parasite Laurencio écartelé, sans trop de scrupule d’ailleurs, entre son attirance mutuelle pour Nise et la fortune de Finéa. Mais comment supporter l’absolue stupidité de l’héritière ? Liséo, le prétendant légitime de la niaise s’en détourne au profit de la sœur poétesse, la soif de l’or porte Laurencio vers l’idiote en qui l’amour révèle une délicieuse rouée au-delà de sa désarmante naïveté. L’Agnès de l’Ecole des Femmes de Molière n’est pas loin. Qui épousera qui ? Il faudra quelques retours de situation successifs pour que le père acquiesce enfin aux doubles épousailles.
Le parcours est semé de jalousie, d’éloquence ridicule, d’invention mutine, de mensonges véniels. Et surtout de rire omniprésent. Le décor minimaliste permet le déploiement de la verve et de la souplesse des corps. On se poursuit, on échange des horions, on cabriole, autour, sur, sous deux lits bien au centre de la scène. Métaphore du désir amoureux, des appétits d’or et de chair, des satisfactions interdites. Les murs se font transparents quand s’ouvrent les stores, révélant la porte dérobée ou les témoins cachés. Derrière la fantaisie de la farce, s’inaugure une révélation de l’amour, qui passe par l’étrangeté et le pincement d’une jalousie et d’un manque auquel Finéa ne sait pas donner de nom. « Qu’est-ce cela qui m’enlève ma liberté » ? Point de psychologie néanmoins. Finéa les prend tous par surprise par l’innocence de son rapport aux mots. Puisque Laurencio l’a embrassée, il suffit pour se guérir de lui qu’il la « désembrasse », mais le remède s’avère évidemment pire, et plus délicieux encore, que le mal, « ce garçon, je sens que je vais oublier de l’oublier » ! Envers et contre toute la misogynie du père, c’est l’idiote déniaisée qui emportera la victoire, en mettant en œuvre un stratagème inattendu. Sa sottise, un instant faussement recouvrée, viendra abuser tout le monde.
Les comédiens portent cette comédie avec une fougue hilarante, entremêlant le tout de chants espagnols improbables, dans une folie de mots et de gestes à laquelle on ne saurait résister. A.D. Théâtre 13 - Jardin 13e.


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