CYRANO

Article publié dans la Lettre n° 467
du 28 novembre 2018


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CYRANO d’Edmond Rostand. Mise en scène Lazare Herson-Macarel avec Julien Campani, Philippe Canales, Eric Herson-Macarel, Céline Chéenne, Eddie Chignara, Joseph Fourez, Salomé Gasselin, David Guez, Morgane Nairaud, Gaëlle Voukissa, Julie Petit (viole de gambe), Pierre-Louis Jozan (batterie).
Comment se lasserait-on de ce monument de théâtre qu’est Cyrano de Bergerac ? Un monument, oui, érigé mais vivace, à l’inclassable insolent du 17e siècle et à la figure théâtrale qui a traversé sans éclipse les décennies depuis sa création. Sans éclipse, telle la lune que le héros révère, admire et nargue. Inclassable comme l’enthousiasme qu’il suscite à chacune des mises en scène d’une œuvre à chaque fois reconnue et si neuve.
Celle-ci ne fait pas exception à la règle. La truculence s’y conjugue avec l’émotion, le rire y conspire avec les colères feintes ou réelles, les épées volent, le sang coule, les fumées de la bataille obscurcissent les yeux de larmes.
Cyrano aime à en mourir sa cousine Roxane qui aime Christian, le si beau et fade benêt. Christian meurt au combat, Roxane, dans l’antre d’un couvent, meurt au monde et aux futilités de la précieuse qu’elle fut. Cyrano perdure à ses côtés dans son amour de confidence. Autour d’eux, le monde s’agite, hâbleur comme les obsédés de l’honneur et des duels, gourmet ou goinfre comme les faux poètes parasites de Ragueneau, dans la coquetterie et les rodomontades, les fausses gloires et les vraies intelligences, les fidélités surtout en amour comme en amitié. Ridicule De Guiche, loyal Le Bret, attendrissant et généreux Ragueneau. Une agitation généralisée qui vient s’échouer sur le panache ensanglanté de Cyrano.
Tout concourt à donner à voir ce théâtre du monde dans la frénésie du mouvement, qu’exacerbe le jeu entre ombre et lumière, hystérie des cris et des gestes, émotion de la passion et de la douleur, alternance de la foule et dépouillement du duo amoureux. Au cœur de ce tourbillon, un nez, monstrueux et inoubliable, objet de quolibets ou de tirades de bravoure. Derrière lui, un homme, dans toute la verve de sa souffrance, qui ne pleure pas pour éviter aux larmes le parcours au long de l’appendice désastreux. Eddie Chignara prête à Cyrano la générosité de sa souplesse et l’infinie variété de ses pudeurs, de ses émois et de ses indignations. Autour de lui, dans un véritable esprit de troupe, se déploient la jeunesse, la fougue, la verdeur réjouissante des neuf joyeux comédiens qui alternent la myriade des rôles masculins et féminins. A la fois un festival de gaieté et de rires et l’ampleur presque tragique de la bataille et de la mort. Mais là est le génie d’Edmond Rostand, que cette mise en scène sert avec efficacité, on ne sombre à aucun moment dans le pathos et les pleurs au risque de barboter dans la grandiloquence, toujours une pirouette, un mot d’esprit viennent illustrer la force de vie du héros, pourfendeur de mots comme d’ennemis. La viole de gambe module l’angoisse et les langueurs amoureuses, tandis que les rythmes de la batterie scandent la pulsation des assauts et des enthousiasmes.
Roxane restera définitivement dans la frustration des amours ratées, mais le cœur du public bat à l’unisson. A.D. Théâtre de la Tempête - Cartoucherie de Vincennes 12e.


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