LE  CRÉPUSCULE DES SINGES d’après les vies et œuvres de Molière et Boulgakov d’Alisson Cosson et Louise  Vignaud. Mise en scène Louise Vignaud. Avec Thierry Hancisse, Coraly Zahonero,  Christian Gonon, Pierre Louis-Calixte, Gilles David, Géraldine Martineau, Laïna  Clavaron, Nicolas Chupin.
                  Grand observateur des défauts de ses  contemporains, Molière n’a cessé de railler médecins, bourgeois, précieuses,  vieux barbons, pères autoritaires… Tous rageaient. Certains, comme Catherine de  Rambouillet, parangon de préciosité, laissaient éclater leur colère. Mais lorsqu’il  s’attaqua aux faux dévots, l’Église réagit. Et entre l’Église et Molière, même  Louis XIV n’avait d’autre choix que d’interdire « le Tartuffe ou  l’Hypocrite ».
                  Trois siècles plus tard, à Moscou en  1929, Mikhaïl Boulgakov, écrivain célèbre et apprécié, subit lui aussi les  affres de la censure, interdit jusqu’à sa mort de publier ou de faire jouer ses  pièces. Si le Roi Soleil, amateur du théâtre de Molière, le protégeait tant  qu’il le pouvait, la machine soviétique broyait aveuglément ses auteurs tout en  les laissant espérer. 
                  Les écrits de Boulgakov sur Molière,  ont donné l’idée à Alisson Cosson et Louise Vignaud de rapprocher ces deux  destins en mêlant leurs vies.  La censure  sous deux régimes autoritaires apparaît alors avec ses différences et ses  similitudes. 
                  Sur scène un lit, un bureau et un  petit cabinet de toilette illustrent le modeste logis de Mikhaïl Boulgakov,  impatient de recevoir la visite de Vorochilov, membre de la Commission du  Bureau politique qui doit lui apporter l’autorisation de monter sa dernière pièce.  Affable, l’homme plaisante et assure l’auteur de son intérêt pour son œuvre  avant de lui annoncer l’interdiction de la pièce et de toutes les autres. Pire,  tous ses écrits seront retirés des rayons des bibliothèques. Son épouse Elena  tente sans succès de l’apaiser. Avec la nuit surviennent trois joyeux compères,  venus du fond des âges pour le soutenir : Boileau, La Fontaine et  Chapelle. Le lien s’établit entre les deux époques et les lieux de vie de  Molière apparaissent en arrière-plan.
                  Les destins s’entremêlent dans une  mise en scène foisonnante, bourrée d’idées, où les quelques anachronismes surgissent  comme des clins d’œil. Les deux auteurs subissent les interdits, tentent  d’obtenir, l’un l’autorisation de Louis XIV de jouer Tartuffe, l’autre, celle de Staline pour voir enfin son œuvre Le Roman de monsieur de Molière adaptée pour  le théâtre et programmée, tandis que leurs compagnes les réconfortent. Elena a abandonné  son foyer pour épouser Boulgakov, son grand amour. Madeleine Béjart restera à  ses côtés, même si Molière la trahit en épousant Armande. Elle lui en fait le  reproche, telle Elvire sermonnant Don Juan, tout comme Armande qui, aimant  ailleurs, argumente avec les mots d’Agnès pour échapper à cette union.
              Les comédiens du Français  interprètent, pour la plupart, plusieurs personnages, hommes ou femmes sans  distinction, glissent d’une époque à l’autre tout en changeant de costumes avec  une folle dextérité. Une performance ! M-P  P. Théâtre du Vieux-Colombier, Comédie-Française 6e.