L’AMANTE ANGLAISE

Article publié dans la Lettre n° 414
du 13 février 2017


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L’AMANTE ANGLAISE  de Marguerite Duras. Mise en scène Thierry Harcourt avec Judith Magre, Jacques Frantz, Jean-Claude Leguay.
Le fait divers avait fait la une des journaux en 1949. Un corps avait été découvert tronçonné et dispersé dans différents trains de marchandises. En étudiant leur trajet, les enquêteurs avaient déduit que les morceaux avaient tous été jetés du viaduc de la Montagne Pavée lors du passage des trains sur la voie. La tête introuvable rendait l’identification impossible et celle de l’assassin encore plus s’il n’avait pas spontanément avoué son crime. La meurtrière était une femme tout à fait ordinaire. Pourquoi avait-elle commis un acte aussi barbare ?
Passionnée par les affaires criminelles, Marguerite Duras s’intéresse à celle-ci en 1967. Elle change les noms et remplace la victime qui était le mari par une cousine sourde et muette qui partageait la vie du couple. Le dialogue se compose des deux interrogatoires fait par un homme désireux de comprendre les raisons qui ont poussé la meurtrière à tuer. Au cours du premier, par les questions qu’il pose à Pierre Lannes, l’interrogateur tente de comprendre la personnalité de Claire. Dans le second, face à elle, il cherche à cerner le mobile du crime. Pierre Lannes répond aux questions mais celles-ci ne révèlent rien de probant. Il connaît peu en fin de compte cette femme qu’il a épousée parce qu’elle avait quelque chose que les autres n’avaient pas et qu’il a trompée à maintes reprises « pour ne pas devenir fou ». Il donne bien des détails sur l’existence quotidienne et les manies de son épouse mais rien qui puisse éclairer sa personnalité ou décider de son état mental réel. Le voile ne se lève pas davantage lors du face à face avec Claire. Connaît-elle seulement elle-même les mobiles de son acte ? Une passion amoureuse trahie dont elle parle avec nostalgie, pourrait expliquer un traumatisme néfaste consécutif au choc émotionnel.
Marguerite Duras mène minutieusement ce « thriller de l’esprit ». Elle-même tente de pénétrer le cerveau hermétique de Claire Lannes pour comprendre. Elle dit « chercher pour elle ». Mais cette quête ne lui donne pas de réponse si ce n’est la conviction que les aléas de la vie peuvent mener quiconque à commettre un meurtre un jour. La sobriété du décor et de la mise en scène sont propices à une écoute attentive comme s’il s’agissait d’un véritable interrogatoire. Les éclairages se posent savamment sur les comédiens. Jacques Frantz (Pierre Lannes) et Jean-Claude Laguay (l’interrogateur) expriment avec beaucoup de naturel leur incompréhension et leur impuissance face à Claire, meurtrière insaisissable, interprétée par Judith Magre qui brouille très finement les pistes. M-P P. Théâtre Lucernaire 6e.


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