L’ABATTAGE RITUEL DE GEORGE MASTROMAS

Article publié dans la Lettre n° 424
du 24 avril 2017


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L’ABATTAGE RITUEL DE GEORGE MASTROMAS de Dennis Kelly. Mise en scène Maïa Sandoz avec Adèle Haenel, Aurélie Vérillon, Paul Moulin, Serge Biavan, Gilles Nicolas, Maxime Coggio et Christophe Danvin.
Bonté ou lâcheté, bonté ou lâcheté, tel est le leit-motiv lancinant dans le parcours de ce George qui était si gentil, si conforme, si moralement impeccable. Camarade prévenant, amoureux tel que les filles l’aiment, et éternel perdant, parce que la meute n’aime pas les doux. Jusqu’au jour où un rachat d’entreprise mené par une « money killer » entrebâille la porte du fauve. Et son univers s’ouvre à la réussite sans vergogne, dans tous les domaines, quels qu’en soient les moyens, surtout celui du mensonge assassin. C’est le cas de le dire, assassin, car commence une suite ininterrompue de victimes sanglantes, de meurtres d’une incroyable sauvagerie, tous détournés de leur vraie nature par ce George dont on finirait par se demander s’il est lucide sur la gravité de ses actes, si surtout il ne se prend pas lui-même au jeu de ses mensonges. Une mystification jusqu’à l’obscénité, qui le condamnera à une solitude sans remède.
Pour dérouler ce tapis de monstruosités, la personnalité polymorphe de George est distribuée entre six acteurs, comme un chœur antique, qui font tourner la parole de sa biographie, tout en privilégiant quelques scènes-phares. Sur un plateau tournant, tel un ring, se déroulent des affrontements, professionnels, amoureux, familiaux, joués ou mimés, dont l’originalité majeure réside dans l’alternance des mises en lumières et le commentaire qui les accompagne : personnages en doublage de film, en traduction simultanée, en solo et chœur, en voix off. Dans la musique aussi, omniprésente, rythme et mélodie à la guitare.
Abattage ? Oui, le sang coule, balafre les victimes, tache les mains. Indélébile. Et le monstre exécute le rituel de son auto-illusion, sans allégement, sans pardon possible, jusqu’à la désertion finale.
Derrière et avec ce cynisme sardonique, le rire peut fuser, complice, amer, coupable de participer de cette mascarade généralisée qu’est notre société.
Spectacle efficace, sans temps mort, d’une santé dérangeante propre à déciller les aveuglements contemporains. A.D. La Manufacture des Œillets TQI, Ivry sur Seine 94.

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