1830, TOUT COMMENCE…

Article publié dans la Lettre n° 464
du 17 octobre 2018


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1830, TOUT COMMENCE… Écriture et mise en scène Manon Montel, avec Stéphane Dauch, Thomas Marceul, Manon Montel.
« Oui, je suis jaloux, Victor », c’est le cri de sincérité d’Honoré de Balzac à l’adresse de Victor Hugo. Et, avec une parfaite mauvaise foi, il s’acharne à démolir, à l’adresse de sa très chère amie George Sand, la pièce de son grand rival, Hernani, dont les représentations tumultueuses animent les soirées parisiennes. 1830, l’atmosphère est à la révolution dans les rues de Paris. Honoré a 31 ans, Victor 28 ans, George 26. A des degrés divers, ils sont très proches et partagent, par lettres ou rencontres, la fougue de leur génie respectif. Balzac, après le succès mitigé des Chouans et de La Peau de chagrin, nage dans le fleuve réaliste de sa fresque sociale, La Comédie humaine, George Sand affirme son féminisme et met en actes et en romans, par ses liaisons amoureuses avec Musset et Chopin entre autres, la revendication à sa liberté de femme, au prix de sa sérénité de mère, puisque Solange sa fille la fuit. Victor Hugo est en train de prendre ses marques du tribun politique qu’il sera dans les décennies à venir, d’abord Pair de France bonapartiste, puis dans l’opposition au tyran qu’il dénoncera depuis son exil forcé. La force de sa parole prophétique se forge dans les remous des révolutions, 1830, 1848.
La pièce élabore une mise en scène de ce 19e siècle riche en convulsions politiques et sociales. Le récit en filigrane tisse la trame de révolutions littéraires et théâtrales dont ces trois génies furent les héros et les acteurs. Tout en évoquant dans l’émotion, la complicité et la tendresse, les drames intimes qui les touchent. Hugo pleure dans une retraite silencieuse la mort de sa fille Léopoldine, Chopin se montre indifférent, Musset décrit Perdican et Camille en miroir des infidélités et des non-dits de l’amour. Balzac, aussi bourru que démesuré dans son orgueil, court désespérément après l’argent, la réussite, la reconnaissance de son talent, et surtout celle à qui il adresse des missives enflammées « Mon Etrangère, mon Amour », la comtesse Hanska.
Chacun des trois héros de cette pièce lit quelques lignes d’un des deux autres, ainsi cette protestation d’amour de l’affreux Frolot épris d’Esméralda, dans Notre Dame de Paris. La vie du siècle va son train, on lorgne vers l’Académie Française, vers la propriété littéraire, on court les infidélités amoureuses, on vit en somme.
Balzac meurt de sa propre boulimie en 1850, George Sand s’apaisera à peine avant sa disparition en 1876, le grand Hugo s’éteint en 1885.
Sur un plateau dépouillé que meublent seuls trois lutrins, les comédiens campent avec une véracité étonnante les héros de cette fresque.
Quel bel hommage au génie littéraire, à la fantasmagorie du théâtre, à la vivacité des sentiments, au souffle du siècle ! A.D. Théâtre Essaïon 4e.


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