ENFERS ET FANTÔMES D’ASIE

Article publié dans la Lettre n° 455
du 23 mai 2018


 
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ENFERS ET FANTÔMES D’ASIE. Cette exposition originale est conçue comme une attraction de fête foraine, une sorte de train fantôme dans lequel on croise, de salles en salles, ces fantômes populaires en Asie, en particulier en Chine, au Japon et en Thaïlande. Le parcours suit une approche thématique et géographique, mêlant les époques pour montrer la continuité des représentations de fantômes, depuis le 10e siècle (rouleaux illustrés du Sutra des Dix Rois) jusqu’à aujourd’hui. Les rapprochements entre art religieux ancien, théâtre, cinéma, bande dessinée et jeux vidéo, illustrent l’idée qu’un fantôme ne meurt jamais et que ses manifestations sont imprévisibles.
Dans la première section, « Vision des Enfers », le commissaire de cette exposition, Julien Rousseau, nous rappelle que la notion d’enfer est née avec le bouddhisme. La vision des enfers enseigne la loi du karma selon laquelle la condition de chaque être, dans cette vie et les suivantes, résulte de ses actes passés. Les descriptions des enfers montrent les tribunaux qui jugent les êtres et les condamnent, selon leurs actes, à des supplices tels qu’être brûlés, découpés ou devoir grimper sur un arbre à épines.
On pénètre dans la deuxième section, « Fantômes errants et vengeurs » en traversant une gigantesque porte de l’enfer créée par un atelier thaïlandais pour les besoins de cette exposition. Cette section, divisée en trois parties, fourmille d’estampes, de peintures sur rouleau de soie (yürei-ga), d’affiches et d’extraits de films (The thaï horror picture show), de figurines, et même d’un hologramme créé spécialement pour illustrer le mythe de la femme-chat vampire. Certains de ces fantômes, parfois inspirés par des faits réels comme Nang Nak (Mademoiselle Nak) en Thaïlande, sont devenus très célèbres. Au Japon, à la période Edo (vers 1600-1868), le théâtre nô (joué par des hommes et qui recourt aux masques) et le théâtre kabuki (maquillages à la place des masques  et effets scéniques) popularisent ces fantômes. Ainsi, la terrifiante Hannya cherche à se venger à la fois de son ancien amant et de sa rivale. L’épouse disparue Oyuki apparaît à son mari sous forme d’une femme aux cheveux dépeignés et vêtue d’un linceul. Le commissaire n’hésite pas à parler de « fantômes superstars au Japon ». Parmi ceux-ci, Oiwa, une femme défigurée, empoisonnée et jetée dans une rivière par son mari ou la kaibyô, la femme-chat qui manipule les humains comme des marionnettes ou encore le gashadokuro, un monstre-squelette formé à partir d’un amas d’ossements humains comme il peut y en avoir en période de famine ou sur les champs de bataille.
La Thaïlande n’est pas en reste avec ses phi prêts (« walking dead »), des damnés faméliques condamnés à souffrir de la faim avec une bouche « petite comme le chas d’une aiguille » ne leur permettant d’absorber que la fumée qui se dégage des aliments. On a aussi le phi Krasüe, une séduisante demoiselle qui se transforme la nuit en un spectre vorace, et le phi Pop, qui éventre ses victimes pour leur dévorer le foie. Des représentations de ces spectres, conçues pour cette exposition, jalonnent le parcours de manière spectaculaire comme ce couple de phi prêts de cinq mètres de haut.
Dans la dernière section, on s’intéresse à « La chasse aux fantômes ». La première salle met en scène trois vampires sauteurs, plus vrais que nature, ainsi que la palette des instruments des exorcistes taoïstes pour maîtriser les esprits malveillants qui n’ont pas reçu de rituel funéraire. Parmi ces instruments, nous avons des charmes en papier, des sabres à sapèques (pièces de monnaie chinoises), des miroirs et des diagrammes magiques. Certaines formes de théâtre, comme le dixi du sud de la Chine, de danse ou de processions masquées ont une fonction rituelle de protection d’un lieu. En Thaïlande, des moines concentrent leur pouvoir dans des amulettes, telle que le kumanthong (« Bébé or ») que leur propriétaire doit adopter.
La dernière salle est consacrée aux rites funéraires et au culte des ancêtres ainsi qu’au retour dans le cycle des réincarnations. On apprend que la mort ne suffit pas pour produire des ancêtres. Ce sont les rituels qui permettent de convertir les défunts en entités bénéfiques. Le manquement à ces rituels peut être la cause d’apparition de fantômes maléfiques. Une exposition spectaculaire, à la fois instructive et amusante, riche en documents sonores et visuels. R.P. Musée du quai Branly - Jacques Chirac 7e. Jusqu’au 15 juillet 2018. Lien : www.quaibranly.fr.


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