BOURDELLE ET L’ANTIQUE
Une passion moderne

Article publié dans la Lettre n° 446
du 17 janvier 2018


 
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BOURDELLE ET L’ANTIQUE. Une passion moderne. Le Musée Bourdelle présente 150 œuvres de Bourdelle et d’une vingtaine d’autres artistes, autour de huit chefs-d’œuvre du sculpteur. Le fil conducteur est de montrer comment Bourdelle s’est inspiré de la sculpture antique et en particulier de la sculpture grecque archaïque pour créer un archaïsme moderne qui inspirera bien d’autres artistes tels que Germaine Richier, Henri Laurens, Modigliani, Matisse, Picasso, Brancusi…
Le parcours commence par une section intitulée « Dessiner, copier, s’approprier l’Antique ». On y voit des tirages en plâtre de sculptures antiques célèbres comme la Vénus Médicis, la Tête de l’Apollon du Belvédère, le Gladiateur Borghèse ou l’Apollon de Théra. À son époque, la copie d’œuvres antiques était un exercice académique fondamental pour les élèves de l’École des Beaux-Arts. On note que Bourdelle était particulièrement doué pour cet exercice comme le montre son dessin de l’Amazone blessée (vers 1880) et celui de la Coupe de Douris (490-480 av. J.-C.) exposé à côté de l’original.
Pallas Athéné est l’un des premiers chefs-d’œuvre de Bourdelle, objet de cette exposition. Cette sculpture est le fruit de l’assemblage d’un buste de femme, Masque de Pallas, taillé dans les années 1897-1898, et d’un torse aux bras cassés. Bourdelle en tirera un marbre et des bronzes présentés en 1905 avec le Masque de Pallas. La même année Maillol, son ami puis son rival, expose La Méditerranée, sculpture composée à partir de l’équilibre des masses, alors que Bourdelle s’appuie sur « l’ossature » à la fois anatomique, technique et intellectuelle.
Dans la salle suivante, nous voyons diverses têtes en bronze dont la fameuse Apollon au combat. Cette tête aux traits impressionnants est disposée sur une base faite de socles asymétriques superposés. Le bronze est revêtu d’une patine de feuilles d’or, comme il convient au dieu du soleil. Cette sculpture est présente dans les plus grands musées du monde. Tout à côté, nous voyons le Buste n°12 (1933-1934) de Germaine Richier, l’une des élèves favorites du maître, qui saura se souvenir de son enseignement libérateur.
Avec Héraklès Archer (1910), nous avons l’une des sculptures les plus impressionnantes de Bourdelle, tant par sa taille que par son audace, avec cet équilibre entre les pleins et les vides, les droites et les courbes. Tout en travaillant d’après un modèle vivant, Bourdelle s’inspire du Torse du Belvédère et de l’Archer du fronton du temple d’Aphaïa à Egine. On voit aussi des photos prises par Bourdelle de son œuvre, photos qu’il retravaille pour faire varier les points de vue de sa sculpture. La Musicienne à la harpe (1937/1967) d’Henri Laurens, exposée elle-aussi dans cette salle, rappelle étrangement la construction d’Héraklès Archer avec ses vides et ses pleins et cette harpe courbée comme l’arc de l’Archer.
Vient ensuite la Tête de Cléopâtre (1908), du nom de Cléopâtre Sevastos, élève grecque et muse de Bourdelle. C’est l’une des rares tailles directes de ce dernier. Dans la même veine de « primitivisme » on a, exposées ici, des sculptures de Picasso (Masque de femme, 1908), Modigliani (Tête de femme, 1912), Zadkine (Tête d’homme, 1918).
Le Fruit (1902-1911), présenté dans la salle suivante, est une transposition d’une figure de Puvis de Chavannes dans l’Été. Bourdelle a repris le déhanchement et amplifié la longueur des membres et du cou. Cette statue est à comparer au Génie funéraire (1898) de Rodin, son maître, dont il était le praticien, et à La Serpentine (1909) de Matisse, mais s’oppose là-aussi à Maillol et à son Ève à la pomme (1899). On peut également admirer dans cette salle d’autres sculptures, de petite taille, de Bourdelle.
Nous arrivons ensuite dans la septième salle où trône Pénélope (1905-1912). Cette sculpture suscita les foudres de la critique, désarçonnée par ce « curieux retour à l’archaïsme ». Cette statue de grande taille, perchée sur un socle monumental, évoque une Pleureuse de Tanagra (3e siècle av. J.-C.) trouvée à Canosa, en Italie, dont Maillol prétendra que Bourdelle n’en avait fait qu’une copie, en exagérant ses proportions ! C’est vrai qu’il y a plus qu’une certaine ressemblance, mais Bourdelle traduit bien l’attente amoureuse, tout en délaissant les canons du beau, tels qu’ils étaient utilisés dans l’Antiquité. Picasso, qui disait : « Quand on aime une femme, on ne prend pas des instruments pour mesurer ses formes » fera de même.
La dernière salle traite deux thèmes. Le premier « Centaures, faunes, bacchantes et satyres, la fureur mesurée » nous montre divers travaux de Bourdelle, en particulier la Bacchante aux raisins (1907), dont il fit diverses versions, dont des plâtres, parfois colorés à la main, qu’il offrait à certains proches. Le second est consacré à l’œuvre maîtresse de Bourdelle, le Centaure mourant (1911-1914). Il avait déjà traité le thème du Centaure pour l’atrium du théâtre des Champs-Élysées. Nous avons une multitude de dessins de sa main, y compris un autoportrait, représentant des centaures. Porteur d’une lyre, le Centaure mourant, encore jeune, incarne la puissance créatrice. Vu de face, il s’affaisse. Vu de profil, il persiste. Bourdelle représente ainsi, magistralement, l’équivoque de la création et de la vie. R.P. Musée Bourdelle 15e. Jusqu’au 4 février 2018. Lien : www.bourdelle.paris.fr.


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