BASQUIAT x WARHOL,
À QUATRE MAINS

Article publié dans la Lettre n°574 du 12 juillet 2023



 
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BASQUIAT x WARHOL, À QUATRE MAINS. Andy Warhol naît en 1928 à Pittsburgh. Il s’installe à New York en 1949 et devient l’un des illustrateurs et graphistes les plus cotés des États-Unis. En 1962 il commence à utiliser un procédé de reproduction mécanique, la sérigraphie avec lequel il réalisera à la fin des années 1970 des portraits de célébrités qui assureront l’essentiel de ses revenus. Avec son principal galeriste, le suisse Bruno Bischofberger, il fonde en 1969 Interview Magazine dont Paige Powell, née en 1950, deviendra plus tard éditrice associée.
Warhol a déjà 32 ans quand naît Jean-Michel Basquiat, à New York. Sa mère, Matilde, encourage son intérêt pour l’art en le menant dans des musées tels le MoMA ou le Brooklyn Museum of Art. En 1968 il est renversé par une voiture et restera un mois à l’hôpital après une ablation de la rate. En 1977, avec son camarade de lycée, le graffeur Al Diaz, Basquiat envahit les murs de New York sous le nom de SAMO. Il y met fin en 1979, année où il commence à peindre, réussissant même à vendre à Warhol, dans un restaurant de Soho, deux cartes postales, des collages qu’il réalise avec son amie Jennifer Stein. En 1981 Basquiat participe à l’exposition collective « New York / New Wave » qui met en exergue ces jeunes artistes de New York Downtown puis bénéficie de plusieurs expositions personnelles, tout d’abord à Modène, en Italie, en 1981, puis à New York et Los Angeles en 1982. C’est alors que Bruno Bischofberger devient son représentant exclusif et le présente le 4 octobre à Warhol, à la Factory, l’atelier mythique de ce dernier. Impressionné par cette rencontre, Basquiat se fait photographier avec Warhol et s’éclipse. Deux heures après, son assistant porte à la Factory Dos Cabezas, double portraits dans lequel Basquiat s’est représenté à égalité avec Warhol, le père du pop art. Celui-ci dira «Je suis jaloux, il est plus rapide que moi» !
Grâce à Paige Powell, avec laquelle il a une liaison, Basquiat devient de plus en plus proche de Warhol, partageant la Factory et visitant ensemble galeries, musées et clubs. C’est alors que Bischofberger leur propose, ainsi qu’à Francesco Clemente (né en 1952), de faire quinze tableaux en collaboration. Cette idée les enthousiasme et ces œuvres seront exposées dans la galerie de leur marchand commun, à Zurich.
Mais Basquiat et Warhol y ont pris goût et continuent à travailler ensemble sur les mêmes tableaux. Généralement c’est Warhol qui commence, mettant en place les fonds et les motifs qui accueilleront la peinture de Basquiat. Peu à peu leur technique s’affine et des allers-retours s’organisent entre les deux artistes jusqu’à ce que l’on ne puisse plus distinguer qui a fait quoi. Pour Warhol, ce sont les tableaux les plus réussis.
Entre fin 1983 et fin 1985, les deux hommes réaliseront ensemble quelque 160 peintures dont 70 sont présentées ici. Seize tableaux sont alors exposés en septembre et octobre 1985 sous le titre « Warhol / Basquiat : Paintings », mais les critiques sont négatives, l’une d’entre elles affirmant même que Basquiat est la mascotte de Warhol. Déçu par ces critiques, Basquiat arrête sa collaboration, au grand dam de Warhol, et peint de moins en moins.
La présente exposition se concentre donc sur ces deux années, de 1983 à 1985, si fécondes pour les deux artistes. Le parcours chronologique nous présente tout d’abord des tableaux montrant l’amitié qui unissait les deux hommes ainsi que Clemente. Puis arrive une rétrospective de ces tableaux à six mains avec une dizaine d’entre eux, parmi lesquels se détachent Origin of Cotton (1984) ou encore Horizontal Painting (1984).
Viennent ensuite les tableaux nés de la seule collaboration entre Basquiat et Warhol. Cette fois, au lieu de transporter les peintures d’un atelier à un autre, les deux hommes travaillent ensemble, au même endroit, dans le local resté vacant suite au déménagement de la Factory. Cela leur permet d’élaborer un langage visuel commun et de faire des toiles aux dimensions de plus en plus grandes. C’est ainsi que dans la section « Larger than life » on peut voir Chair, une toile de 8 mètres de long et surtout l’impressionnant African Masks, un chef d’œuvre de près de 11 mètres de long. Outre ces thèmes africains chers à Basquiat, les deux artistes choisissent aussi des sujets plus proches de Warhol, comme les natures mortes, les chiens ou encore la marque GE, General Electric, incontournable aux États-Unis, qu’ils détournent de multiples façons. Parfois, le sujet devient plus personnel. Ainsi Basquiat ajoute sur un taxi jaune, peint par Warhol, un chauffeur qui refuse de prendre un «negro» et l’injurie, souvenir blessant pour l’artiste noir.
Au milieu du parcours, des sections évoquent l’univers de ces artistes à cette époque. C’est le cas dans la galerie 6 où l’on voit toutes sortes d’œuvres réalisées en commun sur des supports variés allant de la toile au réfrigérateur en passant par la céramique, les vêtements et un scooter. Dans la galerie suivante les commissaires évoquent la vie et les relations des deux hommes avec leurs familles, amis et confrères, grâce à une multitude de photographies et de souvenirs.
Au début des trois dernières galeries est exposé Ten Punching Bags (Last Supper), une œuvre jamais montrée du vivant des artistes. Sur neuf sacs de frappe, Warhol a représenté la tête du Christ, d’après La Cène de Léonard de Vinci, et Basquiat y a inscrit à maintes reprises le mot «Judge». L’ensemble évoque une potence et sa suite de pendus, de triste mémoire aux États-Unis.
Warhol meurt des suites d’une opération le 22 février 1987. Malgré des relations devenues distendues entre les deux hommes, Basquiat est désespéré et réalise un émouvant polyptique, Gravestone, où l’on reconnaît plusieurs références aux travaux de Warhol. Basquiat disparaît à son tour l’année suivante, à 27 ans, victime d’une overdose. Une exposition magistrale, riche de plus de 300 œuvres et documents divers, remarquablement présentés. R.P. Fondation Louis Vuitton 16e. Jusqu’au 28 août 2023. Lien : www.fondationlouisvuitton.fr.


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