ANDRÉ DERAIN
La décennie radicale. 1904-1914

Article publié dans la Lettre n° 445
du 3 janvier 2018


 
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ANDRÉ DERAIN. La décennie radicale. 1904-1914. À part une composition gigantesque peinte entre 1938 et 1944, La Chasse dit aussi L’Âge d’or (Paradis terrestre), qui clôt l’exposition, celle-ci est entièrement consacrée à la période d’avant-guerre d’André Derain (1880-1954). D’une manière tout à fait paradoxale, Derain tient un rôle actif dans les avant-gardes avant la Grande Guerre, puis à partir des années 1920, se met à défendre la tradition en peinture ! Gertrude Stein dira vers la fin des années 1930 « Derain est un inventeur, un découvreur, un de ces esprits perpétuellement curieux et qui ne savent pas tirer parti de leurs inventions … c’est un aventurier de l’art, le Christophe Colomb de l’art moderne, mais ce sont les autres qui profitent des nouveaux continents. » Pour illustrer ce portrait assez perfide, Cécile Debray, commissaire de l’exposition, a réuni environ 70 peintures ainsi qu’un ensemble important d’œuvres sur papier (aquarelles, dessins, carnets de croquis, gravures), des sculptures, des photographies, des sculptures maories et africaines, des céramiques, etc.
Le parcours de l’exposition est chronologique et se déploie sur douze salles. Le commence par « Le réalisme libertaire » (1903-1904), avec des œuvres au dessin acéré et cruel. Ces premières peintures sont présentées en face de ses photographies prises depuis ses débuts jusque dans les années 1940. Vient ensuite « Chatou, notre jungle » avec des paysages aux couleurs vives, rappelant l’Impressionnisme, tout en s’en démarquant. Avec « Collioure, l’épreuve du feu » (été 1905), nous abordons l’un des premiers points fort de l’exposition. En compagnie de Matisse, dont il fait le portrait, Derain découvre une nouvelle conception de la lumière. Tous deux exposeront leurs toiles au Salon d’Automne dans la salle VII, la « cage aux fauves ».
Après une salle consacrée à la grande composition de La Danse et ses multiples déclinaisons par l’aquarelle, réponse aux tableaux contemporains de Matisse, nous revenons dans le Midi avec des paysages colorés peints à l’Estaque en 1906, puis à des vues de Londres, tout aussi flamboyantes, peintes entre 1906 et 1907.
Nous laissons provisoirement la peinture pour les sculptures néo-archaïques de Derain présentées à côté d’objets d’art maori et africain du British Museum, découverts par Derain à Londres en 1906. Nous avons aussi, dans la même veine des dessins et des gravures. Après ce « Primitivisme » vient une série de grandes Baigneuses (1907 à 1909), avec des compositions identiques reprises sur plusieurs tableaux, synthèse formelle et géométrique d’inspiration cézanienne.
Retour dans le Midi avec les deux salles suivantes. Dans la première, « Cassis - Martigues. La couleur cloisonnée » (1907-1910), nous voyons des paysages peints d’une manière légèrement cubiste ainsi qu’un portrait de sa femme, Madame Derain en vert (1907). Dans la seconde « Cagnes - Cadaqués. Cristallisation » (1910-1911), Derain qui travaille dans la région au côté de Picasso, son « camarade en peinture », ne suit pas ce dernier dans ses recherches sur le cubisme analytique mais accuse la volumétrie des paysages et des bâtiments. Ceux-ci semblent subir une sorte de cristallisation avec, par exemple, des maisons représentées par un réseau de lignes, avec des teintes monochromes, quasi translucides.
La dernière salle consacrée à cette période d’avant-guerre, intitulée « Réalisme magique » (1912-1914) montre les dernières œuvres de Derain avant la guerre. Il s’inspire alors des Primitifs italiens et cherche à conférer à ses compositions un caractère intemporel et spirituel, mêlant plusieurs sources telles que la Pietà de Villeneuve-lès-Avignon, les icônes byzantines, le Greco et une stylisation cubiste. À côté de ses paysages, ses portraits aux caractéristiques hiératiques (L’Italienne assise, 1913 ; Les Deux sœurs, 1914) trouveront des échos dans certaines peintures de Matisse et de Picasso (Portrait d’Olga, 1918). Derain se détache ainsi de la peinture de son époque et rejoint, par son isolement, un autre artiste au réalisme mélancolique, Giorgio de Chirico. Une magnifique exposition, avec une scénographie très agréable. R.P. Centre Pompidou 4e. Jusqu’au 29 janvier 2018. Lien : www.centrepompidou.fr.


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