A.R. PENCK.
PEINTURE, SYSTEME, MONDE

Article publié dans la Lettre n°281 du 3 mars 2008



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A.R. PENCK. PEINTURE, SYSTEME, MONDE. Ralf Winkler est né à Dresde le 5 octobre 1939. En 1945 il assiste au bombardement de sa ville natale par les alliés (25 à 35 000 morts). Le spectacle de la ville en flamme le marquera à jamais. Dès l’âge de dix ans, il commence à peindre des paysages à l’huile et des portraits de son grand-père. Ses proches l’encouragent à devenir sculpteur. Il suit les cours de peinture et de dessin à l’université populaire de Dresde où son professeur l’initie aussi bien aux œuvres de Giotto, Rembrandt, Cranach qu’à celles de Cézanne, van Gogh ou Picasso. A la même époque des personnes de l’Académie considéraient les impressionnistes comme des « bourgeois décadents » ! C’est peu dire, quand on voit l’ensemble de son œuvre, que Winkler eut beaucoup de mal à se faire connaître en tant qu’artiste en RDA, son pays. Refusé en 1956 par les académies de peinture de Dresde et de Berlin, il règle ce problème de reconnaissance de son métier en se désignant lui-même artiste !
Peu à peu sa peinture devient de plus en plus abstraite, surtout après la construction du mur de Berlin (1961) et il s’intéresse alors à la cybernétique (science de la régulation de système complexe) et à la théorie de l’information. Dès cette époque on voit l’intérêt qu’il porte à toutes sortes de sujets et qui l’amènera jusqu’à la composition musicale. Ses toiles reflètent bien cette époque. Par exemple Le Passage (1963) montre un funambule, réduit à quelques traits, traversant un espace en flamme. Ce tableau rappelle l’incendie de Dresde, la position instable de l’artiste qu’il est et, d’une façon prémonitoire, son passage de l’Est à l’Ouest. Autre toile majeure de l’époque, le Grand Tableau-monde (1965) ou une multitude de personnages dans des positions acrobatiques s’affrontent ou s’échappent d’un espace qui évoque le cerveau. Winkler se consacre également à de nouvelles expérimentations plastiques : des assemblages réalisés à partir de matériaux de la vie quotidienne. Ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux et nous pouvons douter qu’un carton d’emballage seul soit vraiment une œuvre d’art !
En 1965 également, Winkler invente le concept des peintures Standart, association de mots évoquant à la fois l’étendard, l’art et le standard. Une trentaine de ces toiles de grandes dimensions sont réunies côte à côte, constituant un ensemble tout à fait extraordinaire. Winkler donnera beaucoup d’explications sur ce concept, y compris au moyen de tableaux !
En 1968 Winkler, à l’occasion d’une exposition personnelle à Cologne, organisée par Werner, prend le pseudonyme d’ « A.R. Penck » en hommage au géologue et spécialiste de la période glaciaire Albrecht Penck, décelant une analogie entre le sujet d’étude de ce savant et la guerre froide ! Werner fait parvenir un nombre croissant de ses œuvres à l’ouest, où il commence à être connu, alors que son pays lui refuse toujours le statut d’artiste. Winkler utilisera d’autres identités : Mike Hammer (le nom d’un détective créé par l’écrivain américain Mickey Spillane dans les années 40) en 1973, TM, comme Tancred Mitchell ou Theodor Marx, en 1974, « Y » en 1976. Tous ces pseudonymes ont des explications données par l’artiste. Mais ils traduisent aussi la difficulté qu’il avait pour vivre en tant qu’artiste dans un pays où la répression était de plus en plus forte.
En 1980, constatant l’impossibilité de poursuivre ses activités en RDA, A.R. Penck demande son expatriation. Il reçoit la réponse le 3 août à midi avec l’obligation d’avoir quitté le pays avant minuit, alors qu’il n’y avait plus de train ! Il n’y eut pas que ce passage, à pied et sans bagage, qui fut difficile. Il déclarera : « L’Est m’a recraché, l’Ouest ne m’a pas encore avalé … ». Ses deux grandes toiles en noir et blanc, Est, Ouest (1980), l’une étant comme le négatif de l’autre rendent bien compte de cette difficulté de concilier les deux pays, alors qu’avec Standart, il avait cherché à recréer un langage universel. Il s’installera successivement près de Cologne, à Paris (1981) où il est gêné par la barrière de la langue, en Israël, à Londres, à Dublin, à Berlin (1991) et enfin dans l’ouest de l’Irlande où il avait acheté une maison en 1987. C’est là qu’il vit et travaille aujourd’hui.
Ses œuvres les plus récentes sont monumentales et colorées, souvent très abstraites. A coté des peintures, il a fait des sculptures, souvent de grande taille, en bronze, en bois ou en marbre de Carrare (Le Futur des soldats, 1984 - le Français, 1996) dont la qualité est à cent lieues de ses premières sculptures sur bois (35 Sculptures, A la hache rouge contre le bois ! Modèle et stratégie !! , 1979) assez peu convaincantes. Une exposition très complète sur un artiste tourmenté, témoin d’une époque difficile, et qui, sans être « un illustre inconnu » comme le désigne l’un des chapitres du catalogue - un ouvrage de référence en langue française sur A.R. Penck - n’a pas encore atteint le « grand public ». Musée d’Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu’au 11 mai 2008. Lien : www.mam.paris.fr.

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