NOBODY'S WATCHING

Article publié dans la Lettre n° 452
du 11 avril 2018


 

NOBODY'S WATCHING (Nadie nos mira). Comédie dramatique de Julia Solomonoff avec Guillermo Pfening, Elena Roger, Rafael Ferro, Cristina Morrison, Kerri Sohn (2017 - Argentine - Couleur - 1h41).
Quelles que soient ses raisons, l’émigration est déterminante dans l’évolution de celui qui entreprend de quitter son pays. La réalisatrice Julia Solomonoff livre quelques pans de son expérience étasunienne à travers le personnage de Nico, un comédien argentin. Acteur dans une série culte dans son pays, il décide de partir tenter sa chance aux États-Unis à la suite d’une trahison professionnelle et sentimentale. New-York ou rien pour cesser les séries télé et entrer dans la cour des grands du cinéma. Il court les castings et enchaîne toutes sortes de petits boulots. Le baby-sitting lui apprend les gestes insoupçonnés et tendres d’un père de substitution qu’il ne sera probablement jamais de par son homosexualité. Il lui fait aussi approcher de plus près le milieu des chicanas, au quotidien tout aussi précaire que le sien. Il survit plus qu’il ne vit, colocataire dans un appartement exigu, vivant d’expédients, de petites escroqueries ou de vols. Sa rencontre inopinée avec Kara, une productrice qu’un ami lui a présentée quelques années plus tôt lors d’un festival, lui donne de l’espoir. Elle l’emmène dans le milieu du cinéma tout en l’enjoignant de parfaire son anglais et de changer son look. Sa peau blanche, ses cheveux châtains et sa pointe d’accent ne correspondent pas aux critères étasuniens très formatés concernant les latinos.
La visite de deux amis argentins le renvoie à son passé. La réalité se fait jour. Tout comme les caméras des magasins braquées sur lui lors de ses rapines et jamais visionnées, « nobody’s watching ». Personne ne l’attend ici. Il mesure son échec et rentre au pays mais cette parenthèse américaine lui permet de tourner la page. Elle l’a fait grandir sans pour autant changer ce qu’il a de plus important, son appartenance au monde argentin, si différent de celui des États-Unis.
La caméra très mobile de Julia Solomonoff suit les déambulations de son héros dans les quartiers et les rues de la « grosse pomme », loin des clichés habituels. On est saisi par l’harmonie très esthétique des parcs et des beaux quartiers, changeant selon les saisons, et par leur contraste avec les quartiers déshérités. Guillermo Pfening donne beaucoup d’épaisseur au personnage de Nico qu’il incarne avec un naturel désarmant. Un film touchant, tout en finesse, empreint d’une profonde réflexion sur la nature humaine.
L’expérience personnelle recèle toujours une source inépuisable d’inspiration. M-P.P. En salles à partir du 25 avril 2018.


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