DOGVILLE

Article publié dans la Lettre n° 215


DOGVILLE. Film danois de Lars Von Trier avec Nicole Kidman, Stellan Skarsgard, Paul Bettany (2002-couleurs-2h45).
Aux Etats-Unis, à l’époque de la grande dépression, dans les Rocheuses, une route achève sa course à Dogville, une petite ville ordinaire où vivotent des gens ordinaires dans des masures misérables depuis la fermeture de la mine d’argent. Un soir, surgit Grace, une jeune femme poursuivie par des malfrats aux intentions meurtrières, mais dont elle refuse de parler. Après un conseil, les habitants acceptent d’accueillir la fugitive, convaincus par Tom, le penseur des lieux. Grace, reconnaissante, offre ses services. Mais au fil des saisons, et à la suite d’une affiche offrant une récompense pour sa capture, la petite communauté va exploiter Grace jusqu’à l’ignominie la plus vile.
En neuf chapitres et un prologue, Lars Von Trier relate avec une minutie clinique la lente descente aux enfers de Grace. C’est sa manière à lui de parler de l’Amérique. Initiateur du fameux Dogme, le danois se passe cette fois de décor, se limitant à un plateau noir et nu, sur lequel est dessiné le plan de chaque maison, agrémenté de quelques meubles, et dont les comédiens poussent ou ferment les portes invisibles même si l’on en entend à chaque fois le claquement sec. Avec très peu de musique, la caméra à l’épaule, et une débauche de gros plans, il embrasse ainsi d’un seul trait tous les acteurs de son récit, comme s’ils se trouvaient sur une scène de théâtre, tous présents à la fois. En relatant les faits, la voix off du narrateur omniprésent, accompagne la mise en situation des personnages. Lars Von Trier dit s’être inspiré d’une chanson de l’Opéra de Quat’sous de Brecht où une jeune fille vulnérable se fait exploiter par une communauté qui n’a pas su mesurer son pouvoir de vengeance. Il décrit sans concessions l’âme noire des habitants de Dogville, leur lâcheté, leur cynisme et leur sadisme, parfois jusqu’à la limite du supportable. Mais l’exploitation des plus forts et l’acceptation des plus faibles ont leurs limites. Il semble qu’en décidant d’oeuvrer pour le bien du monde, la réaction finale de Grace aille bien au delà de la simple vengeance personnelle et que la démonstration du réalisateur veuille aller plus loin: jusqu’où doit-on subir la loi du plus fort sans réagir? De quoi faire méditer bon nombre de gouvernants actuels! Lien: www.tvropa.com/dogville/


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